ART | CRITIQUE

Hungary! and Other Economies

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

S’inspirant d’une pièce de Peter Weiss, l’artiste britannique Gail Pickering évoque et détourne les jeux érotiques du marquis de Sade en réinvestissant son univers mental et géographique.

La galerie Jousse Entreprise présente la première exposition en France de l’artiste anglaise Gail Pickering, dont le champ d’action se situe dans la performance, filmée ou non, et intégrée au cadre d’une installation. Dans l’espace de la galerie parisienne, une structure en bois éclatée abrite la vidéo Hungary!, dont la vision n’est accessible qu’à un nombre restreint de spectateurs. Conjointement à la vidéo, une performance des acteurs au sein de la galerie, intitulée Push ups, poursuit le propos de l’artiste.

Hungary! montre un groupe d’acteurs de films pornographiques évoluer dans les ruines du château La Coste, dans le Lubéron, autrefois propriété du marquis de Sade, qui y joua ses pièces, et appartenant aujourd’hui au célèbre couturier français Pierre Cardin. Péniblement, les acteurs, vêtus en Cardin années 60 très futuriste, ânonnent le texte de la pièce Marat/Sade de Peter Weiss, dont l’action peut se résumer à la mise en scène par Sade de la persécution et de l’assassinat de Marat, sur fond de Révolution française.

Le propos de la pièce était d’opposer deux philosophies contemporaines, deux modes de pensée de l’âge des Lumières totalement différentes: d’un côté, chez Marat, la rigueur, le dévouement de la cause politique au peuple et, par dessus tout, le principe d’égalité, de l’autre, pour Sade, la survivance des privilèges aristocratiques et la notion de soumission poussée à son paroxysme et concrétisée dans son «sado-masochisme».

Le tableau vivant présenté ici mime et réduit la pièce de Weiss à son intention la plus élémentaire. Les acteurs feignent des actes sexuels, vagues échos des scènes qui ont pu se jouer dans ces lieux mêmes il y a deux siècles. La radicalité de l’œuvre de Sade est oubliée: aujourd’hui, il semblerait que la pornographie, tournée ici en ridicule par la manière dont Gail Pickering en décortique les mécanismes et le mode de production, ne soit plus le domaine réservé du subversif.

Gail Pickering
— Push-Ups, 2007. Performance.
— Hungary!, 2007. Vidéo.

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