Marc Pataut
Humaine et…
Dans le cadre du projet d’exposition et d’édition Humaine de Marc Pataut, co-produit par l’Artothèque de Caen, le Centre Régional de la Photographie Nord Pas-de-Calais, Le Point du Jour Centre d’art éditeur, Cherbourg-Octeville et la Ville de Clermont-Ferrand, l’Artothèque de Caen présente deux séries antérieures au travail réalisé dans le nord de la France: «Le Cornillon-Grand Stade», 1994-1995, et «Sortir la tête», 2001-2002.
Une série de macules, sélectionnées par Marc Pataut lors de l’impression du livre Humaine, seront également présentées dans cette exposition.
«Chaque projet de Marc Pataut est entrepris à partir d’un lieu différent, et le temps durant lequel il s’élabore en détermine progressivement la nature. Le travail se mène à long terme: l’immersion et la rencontre avec les personnes qui participent à l’œuvre, puis le temps nécessaire au développement de cette recherche, sa conceptualisation et sa mise en forme.» (Pia Viewing, directrice du CRP Nord Pas-de-Calais, Humaine, 2012)
— «Le Cornillon-Grand Stade», 1994-1995
En 1994-1995, Marc Pataut rend régulièrement visite aux habitants du Cornillon, un terrain vague situé à l’emplacement du futur Stade de France à Saint-Denis.
Indigné par l’expulsion programmée de cette communauté en vue de la Coupe de Monde de Football de 1998, l’artiste réalisera un témoignage photographique qui sera présenté en 1997 à la Documenta X de Kassel:
«Avec ce travail, je voulais montrer la distance entre une langue médiatique (un discours, un projet) avec sa puissance et ses outils d’expression, —la langue des élus, des architectes, des journalistes—, et une langue des sans domicile fixe, une parole de vie quotidienne (des actes, des faits) issue exactement du même endroit, du même site.» (Marc Pataut)
— «Sortir la tête», 2001-2002
«Sortir la tête» c’est l’aboutissement de deux ans d’immersion de Marc Pataut dans le pays de Tulle dans le département de la Corrèze.
Au delà d’un travail photographique captant l’essence même de cette région, l’artiste est allé à la rencontre de ses habitants, avec la collaboration de l’association Peuple et Culture, afin de recueillir le témoignage d’hommes et de femmes qui livrent leur définition, leur ressenti face à ce «pays» dans lequel ils vivent.
Ce projet original s’est présenté sous la forme d’une exposition itinérante dans des petites communes de Corrèze, puis dans différentes institutions d’art contemporain. La forme de cette exposition est représentative des multiples facettes qu’a pu prendre ce projet.
La richesse des rencontres, la découverte d’un territoire, et la générosité des échanges se trouvent matérialisées par une vidéo, un mur de témoignages et une quarantaine de photographies montées recto-verso à manipuler.
«Cette forme artistique fonctionne d’abord et réellement, avec les habitants de et sa région: ils en sont les premiers destinataires. L’idée est à la fois de parler très concrètement du pays de Tulle, des gens qui y vivent et y mènent des aventures, qui ont une valeur d’exemple, locale, et de poser une question plus générale : en quoi un travail local, intime, peut atteindre une valeur générale, donc une valeur politique?
Plus qu’une exposition, c’est une mise en forme d’activités, issue des acquis de l’éducation populaire, du documentaire et de l’art contemporain.» (Manée Teyssandier, présidente de l’association Peuple et Culture)
— Le projet «Humaine»
«Humaine» a été coproduite par l’Artothèque de Caen, le Centre Régional de la photographie du Nord Pas-de-Calais, Le Point du Jour à Cherbourg et la Ville de Clermont-Ferrand. Elle a été conçue pour être itinérante dans les lieux partenaires du projet.
Composée de plusieurs ensembles de travaux réalisés entre 1999 et 2012, cette exposition rend compte de treize ans de travail de Marc Pataut et est issue d’un projet de création de Marc Pataut dans le territoire de la Communauté d’Agglomération de la Porte du Hainaut.
À la suite d’une série de rencontres entre l’artiste, les habitants et des acteurs socioculturels du territoire en 2008, il mène un travail de recherche en collaboration avec des femmes: trois habitantes de Douchyles- Mines et un groupe d’une douzaine de femmes, algériennes et marocaines, du centre socioculturel AGATE d’Escautpont, qui se consacrent à l’apprentissage de l’écriture et à l’alphabétisation.
Marc Pataut s’imprègne des situations (on ne s’imprègne pas d’un contexte); il considère que les personnes avec lesquelles il travaille peuvent jouer, avec lui, leurs propres personnages, selon un scénario variable et largement improvisé.
Aujourd’hui, la question qu’il se pose est celle de la «représentation du peuple». Il constate la fragilité du rapport entre le principe démocratique et les identités (ou identifications) collectives.
Quand il mêle les portraits démultipliés de trois femmes, il déplace la question sur le plan de la représentation artistique en posant une nouvelle et étrange question: qu’est- ce qu’un individu dont l’identité (photographique) est déplacée, dispersée, combinée avec deux autres, dans un mur d’images à trois?
Ou, autre formulation, qui renvoie tout autant aux données de l’expérience: « Qu’est-ce qu’un individu qui ne se définit pas par une quête d’identité exclusive?».
Il y a là , peut-être, dans le déplacement et la nouvelle formulation du problème, un début de réponse. (Jean-François Chevrier, Humaine, 2012)
Humaine, Ouvrage co-édité par l’Artothèque de Caen, le Centre national des arts plastiques, Paris, le CRP, Douchy-les-Mines, Le Point du Jour éditeur, Cherbourg-Octeville; la Ville de Clermont-Ferrand, 36 €.
Marc Pataut est né en 1952 à Paris, suit ses études à l’ENSBA (Paris) et commence à travailler la photographie en 1978. Après être devenu reporter, Marc Pataut s’en est éloigné pour développer des projets d’enquête documentaire de longue durée (souvent de deux à quatre années) engageant des procédures de collaboration adaptées à chacune des situations retenues. Son travail associe toujours un domaine d’activité, une situation sociale, une histoire et une intervention sur le contexte institutionnel. Marc Pataut enseigne la photographie à l’ENSBA depuis 2001.