La danse n’est-elle pas une façon de prendre position ? De s’engager par le corps dans le monde ? Avec Au bout du souffle… (2019), Hubert Petit-Phar et Delphine Cammal (Cie Mangrove) livrent une pièce autour de l’engagement. Création pour quatre danseurs — Ludovic Bibeyron, Jean-Sébastien Jacques, Octavia Miranda, Mickael Top —, Au bout du souffle… remonte le fil de l’héroïsme. En posant la question du sacrifice. Jean Moulin, Louis Delgrès, Spartacus, Benazir Bhutto, Ahmed Ben Bella, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Rosa Luxemburg… Tous ont en commun d’être morts pour la société. D’avoir vécu en accord avec leurs principes ; d’avoir été tués pour cette raison. Pièce sobre, Au bout du Souffle… plonge dans cette énergie capable de dépasser la tétanie. Partant d’une réflexion sur l’universalité des destins croisés de Louis Delgrès et Jean Moulin, Au bout du souffle… interroge la position des corps en résistance.
Au bout du souffle… de Hubert Petit-Phar et Delphine Cammal : corps en résistance
De la contrainte à la libération, de la respiration au silence… Où le corps en résistance puise-t-il ses ressources ? Colonel guadeloupéen né libre de couleur, Louis Delgrès (1766-1802) s’est battu contre le rétablissement de l’esclavage par Napoléon Bonaparte, en 1802. Acculé avec ses troupes (plusieurs centaines d’hommes), ils préfèrent se suicider que de se rendre. Préfet occitan, Jean Moulin (1899-1943) s’est quant à lui battu contre le régime nazi de Vichy, instauré en France par Adolf Hitler et le Maréchal Pétain en 1940. Nommé secrètement ministre par le Général De Gaulle en 1943, il est arrêté et assassiné quelques mois plus tard. Corps en résistance, aux prises avec la mort, comment se passent les derniers instants ? Le corps, la voix, le souffle… Mêlant différents types de danse, Au bout du souffle… explore ainsi cette zone de tension. Contemporain, Hip-hop, Krump : les corps bondissent, roulent, tressautent, convulsent… Et se ressaisissent.
Explorer, par la danse, l’engagement total et son effet sur les corps
Alternance de tensions et détentes, à plusieurs, à deux, en solo… La pièce Au bout du souffle… se pose à l’affût de l’urgence. Comme un essai sur les comportements humains face à l’engagement total et la mort. Lutter contre l’esclavage, contre le fascisme, pour la liberté, pour la démocratie… Jusqu’où aller pour des convictions, pour renverser l’injustice ? Ne sont-ce pas souvent des militaires qui deviennent des héros ? Peut-être parce que leur entraînement physique a quelque chose à voir avec la maîtrise du corps, la résistance à la douleur, à la fatigue, à la peur. Danseurs, sportifs et militaires n’ont-ils pas cela en commun ? Mais comme art, la danse rend aussi visibles les intentions, les symboles qui poussent à l’action. Quand se battre ? À plusieurs ou seul, Au bout du souffle… plonge ainsi dans cette angoissante question pour lui donner des contours chorégraphiques.