Hubert Duprat
Difficile de donner une unité stylistique à l’œuvre d’Hubert Duprat. Son intention n’est pas de surprendre ou de créer sans tenant ni aboutissant, chaque œuvre est le résultat d’un moment précis et tangible d’une expérience significative par laquelle il rompt provisoirement avec ce qu’il avait précédemment mis en place. Il s’inscrit à la jointure de deux mondes, celui de la libre expression artistique et celui de l’artefact, organisé et rationnel.
Ni tout à fait orfèvre, sculpteur, entomologiste, archéologue ou même artiste, il utilise son savoir au-delà de la sphère purement artistique. Ce qui l’intéresse n’est pas tant de transformer quelque chose en autre chose ou tout objet d’art possible mais plutôt de créer une métaphore entre l’être et le devenir, le savoir faire et le faire savoir.
Pour sa seconde exposition personnelle à la galerie Art: Concept, Hubert Duprat présente quatre pièces surprenantes, tant visuellement que techniquement.
L’exposition devient tour à tour minérale, tactile et sensorielle, une sorte de rencontre avec la matière ici représentée par la pyrite, l’ulexite, le polystyrène, le plexiglas, ou encore le galuchat et la pâte à modeler; des matières aussi bien minérales que manufacturées par l’homme.
L’homme, justement, s’est approprié les formes et les a rendues presque immuables à nos yeux, aussi que se passerait-il si nous tentions de leur donner un autre genre formel?
Prenons le galuchat, initialement la peau de la raie lui sert à se protéger et se thermoréguler, juxtaposée avec du polystyrène, matériau d’isolation et de protection, recouvert de poudre de graphite, ces formes aux molécules pourtant si différentes initialement en arrivent à se ressembler formellement. La matière a un potentiel transformatoire, elle n’est finalement pas enfermée dans une sorte de prédestination et peut permettre un dialogue, une interpénétration des pensées.
Avec la pyrite, dont le sens littéral veut dire «pierre de feu», minerai connu sous le nom d’«or des fous», Hubert Duprat va utiliser cette pierre presque philosophale, provenant de Navajun en Espagne, site qui fournit les cristaux les plus réguliers du monde, afin de démultiplier la spatialité et l’effet de la lumière.
Tour à tour lisse, comme un miroir, puis irrégulière presque crénelée, elle va peu à peu déposséder le spectateur de l’objet, et provoquer des contrastes de brillances et d’ombres.
La matière a des possibilités presque infinies, elle est universelle et transhistorique. Travaillée par l’homme dans le cas du plexiglas par exemple, elle peut devenir — comme avec l’une des sculptures présentées à la galerie — un cube translucide entre apparition Op art et simple construction cubique.
Cependant, elle a besoin d’une forme, qu’elle soit naturelle ou transformée par l’homme, et cette forme existe et ce depuis les balbutiements de l’humanité. Hubert Duprat amène le spectateur à se débarrasser de ses croyances et cesser de penser en terme de «médium» au profit de celui de «matière» devenant un matériau, ou du moins quelque chose de capable de s’affirmer et de penser par lui-même.
Dans une volonté de transversalité, Duprat choisit le rond et le cube. Le fameux solide de Platon fait référence dans la Théorie des 4 éléments à la Terre, il révèle avec ces quatre sculptures tout son sens et nous plonge entre primitivisme et science fiction, entre simplicité, évidence et méticulosité dans la transformation et l’appropriation.
Hubert Duprat porte une attention particulière aux résultats plastiques, qu’il s’agisse des matières qu’il utilise ou de l’orientation qu’il leur donne. Nous ne percevons pas ses travaux comme des objets d’art au sens premier du terme, nous ne les jugeons pas seulement sur leurs qualités esthétiques mais allons plutôt à leur rencontre et essayons de les mettre en corrélation avec une nouvelle forme de savoir.
Au-delà de la sphère fonctionnelle, les œuvres présentées deviennent des objets qui insistent sur le fait d’être seulement eux-mêmes ou du moins d’être capable de créer des liens avec d’autres matières.
Duprat ne peut être simplement considéré comme un artiste naturaliste et s’inscrit dans le paysage artistique comme une sorte de pionnier ou découvreur d’un nouveau territoire vierge.
Il a cette capacité d’établir des rapports presque fusionnels de complémentarité entre des entités visiblement étrangères les unes des autres et grâce à un vocabulaire formel éclectique, changeant et précis, il parvient à des rapprochements possibles entre les formes et les matériaux, les techniques et les disciplines.