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Hreinn Fridfinnsson

Une œuvre qui va de la photographie de vastes paysages, très épurés, presque légendaires, aux installations sculpturales, ready-mades de petites choses fragiles. Une création au cœur du lien nature-culture, où l’imaginaire frôle l’irrationnel, composant un territoire artistique entre magie et féérie.

— Éditeur : Domaine de Kerguéhennec, Bignan
— Année : 2002
— Format : 24 x 18 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 111
— Langue : français
— ISBN : 2-906574-01-5
— Prix : 25 €

Entre la boucle et la spirale
par Frédéric Paul (extraits, pp. 8-9, 10 et 12)

Deux tendances antagonistes marquent déjà la période d’initiation du jeune Fridfinnsson : le paysage, puis l’abstraction géométrique. Pour simplifier les choses, trois phases caractérisent ensuite son parcours d’artiste. Les années soixante-dix, jalonnées par des travaux utilisant principalement photo et texte. Les années quatre-vingt, marquées par la tentation de la sculpture et de l’objet. Et les années quatre-vingt-dix, qui sont, disons, les années où ces deux formes tendent à se réconcilier, sculpture et photographie apparaissant par intermittence, et celles-ci souvent sans le soutien du texte désormais.

Le cadre est une forme en soi dans la période médiane, il a alors aussi une fonction iconique et se décline sous toutes les formes et dans tous les formats selon que le requiert telle ou telle installation murale. Jamais auparavant et jamais après il ne correspondra plus à ce désir d’objet. Jamais Fridfinnsson n’aura plus cette foi en l’objet qui sans doute le conduisit plus jeune à refouler le paysage pour l’abstraction géométrique, plus « authentique » à ses yeux, plus conforme à son tout neuf désir d’art : évolution naturelle et paradoxale qui l’entraîne donc d’abord à écarter toute référence au monde extérieur au profit exclusif d’un fait artistique surdéterminé — qui s’affranchit de tout souci de représentation, pour définir un espace qui lui soit propre et doter ainsi l’artiste d’un statut à part.

C’est en effet sa passion du dessin et la découverte inopinée de l’abstraction qui mènent le jeune Fridfinnsson aux beaux-arts de Reykjavik. Plus tard, il a déjà dix ans d’activité en tant qu’artiste quand il veut devenir sculpteur. Enfin, il lui faut encore presque dix ans pour concevoir la vanité de cette conversion. En vérité, il n’a jamais cessé d’être un paysagiste. C’est du moins ce que ses récentes photos d’Islande et ses frottages de la montagne Sainte-Victoire, 1998 — qui semblent reprendre la recette d’une œuvre intitulée Cliffs and Whispers, de 1995 — tendent à confirmer.

Hreinn Fridfinnsson est un montreur d’images. Et son œuvre a à l’évidence une dimension poétique. Pourtant si l’expression « poésie visuelle » vient naturellement à son propos, celle-ci n’apporte rien à la connaissance de son travail. L’artiste vit et travaille. Voilà ce qu’on peut en dire. Faut-il comprendre qu’il vit et travaille en alternance ? Ou au contraire que le projet de vie se confond avec le projet artistique ? Chaque fois que j’ai eu Fridfinnsson au téléphone, il me confiait amicalement que tout lui semblait compliqué. En fait, même à l’artiste, son œuvre paraît insurmontable. Comme s’il « vivait avec », comme si son œuvre lui était une compagne indispensable mais encombrante. D’où sa rupture avec la sculpture, d’où la rareté de sa production, la présence si parcimonieuse des objets, leur réduction en taille, et souvent leur réduction au statut d’accessoires d’installation depuis la fin des années quatre-vingt. D’où vient encore la difficulté de documenter cette œuvre et peut-être de l’appréhender tout court. Ce qui, enfin, peut en expliquer la discrétion excessive sur la scène artistique. Mais sur ce point l’artiste ne laisse aucun doute lorsqu’il avoue avoir peu de contacts avec ses collègues à Amsterdam et même : « I pay less attention to the contemporary art scene than I did in [the seventies] » [« Je regarde moins l’art contemporain autour de moi que [dans les années soixante-dix] », Jean-Hubert Martin, « An interview between Jean-Hubert Martin et Hreinn Fridfinnsson », cat. Hreinn Fridfinnsson, Centre national d’art contemporain de Grenoble, 1987, p. 9]. J’étais en effet un peu surpris lorsqu’il me demanda pour quelle raison je souhaitais le rencontrer quand je l’appelai la première fois. Fridfinnsson est d’une telle discrétion qu’il en oublie qu’on peut s’intéresser à son travail.

Un mot qui en remplace un autre. Un objet affublé d’un nom qui n’est pas le sien. Un objet augmenté d’un titre. Voilà l’œuvre. Et — ne cherchez pas plus loin — voilà la métaphore. Tout le travail de Fridfinnsson consiste à nous ouvrir les yeux sur des allégories naturelles.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions du Domaine de Kerguéhennec)

L’auteur
Frédéric Paul est directeur du Domaine de Kerguéhennec.

L’artiste
Hreinn Fridfinnsson, né en 1943 à Dölum, Islande, vit et travaille à Amsterdam, Pays-Bas, depuis 1971.

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