ART | EXPO

Hortus deliciarum

31 Mai - 20 Juil 2013
Vernissage le 30 Mai 2013

Anna Zemankova, considérée comme une «classique» de l’art brut, a déployé une magie blanche au service d’un hortus deliciarum, dont elle pensait tirer des baumes et des philtres, afin de soigner la dépression. Mais cette végétation sans racines ni humus, ces floraisons tantôt mentales, tantôt érotiques, de quel herbier des abysses sourdent-elles?

Anna Zemankova
Hortus deliciarum

L’artiste tchèque Anna Zemankova (1908-1986), considérée comme une «classique» de l’art brut, aura les honneurs du pavillon international à la biennale de Venise 2013. Notre époque serait-elle à ce point désenchantée pour que la biennale de Venise investisse l’œuvre d’une petite âme de Moravie du pouvoir de libérer des potentialités nouvelles?

Anna Zemankova produisit en effet dès les années 60 une œuvre à laquelle sa condition ne l’avait pas préparée et, surtout, qui répondait par nature à des injonctions venues des tréfonds, et dont le processus se souciait peu de plaire.

Ainsi, à l’heure où les démons de la nuit le disputaient encore aux irisations séminales de l’aube, cette mère de famille — en transe — cueillait en pensée des fleurs étranges que, plus tard, elle ferait saillir du papier, recoudrait, «surbroderait», taillerait, en constellerait parfois les ciels de milliers de trous d’aiguilles.

Toute une magie blanche au service d’un hortus deliciarum dont elle pensait peut-être tirer des onguents, des baumes et des philtres, afin de soigner la dépression et laisser flotter son être. Tandis qu’elle était amputée de ses jambes et condamnée à la silencieuse contemplation du jour qui se lève, cette végétation croissait lentement en elle.

«Je fais pousser des fleurs qui ne poussent nulle part ailleurs» avait-elle coutume de dire. Mais cette végétation sans racines ni humus, ces floraisons tantôt mentales, tantôt érotiques, de quel herbier des abysses sourdent-elles? À quel règne appartiennent-elles? De quelle classification relèvent-elles?

D’ailleurs, à l’instar de la production de Séraphine de Senlis, s’agit-il encore de fleurs? Ne sont-ce pas déjà des fruits ? Charnus, emplis de sucs entêtants, gorgés de la pulsion d’une femme qui, s’en remettant au mystère non élucidé, dit simplement «je vis».

critique

Hortus deliciarum

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