Nathalie Savey
Hors champ
Fondée sur l’intuition d’une possible «essence» des choses, la démarche artistique de Nathalie Savey s’apparente à une reconnaissance, au sens exploratoire du terme. Premier paradoxe, l’expression partir en «reconnaissance», chère aux éclaireurs, signifie explorer un territoire inconnu, alors que le mot lui-même implique une connaissance initiale, qu’il s’agit de reproduire, un monde à re-connaître. Il arrive que les photographies de Nathalie Savey produisent une ambiguïté analogue, que leur étrangeté première fasse écho à un monde connu de nous, à la fois proche et cependant recouvert.
En assumant la faculté de «croire au monde», l’artiste privilégie d’abord une approche phénoménologique des choses ou des événements, sur le mode de l’accueil, à la manière de l’enfance, pour lui adjoindre aussitôt un traitement rigoureux des images. Ainsi extraits d’éventuelles scories encore prises dans les clichés, les images retenues relèvent de choix successifs et construisent, dans la durée, une Å“uvre cohérente. Cette progression sensible nourrit le développement d’une réflexion sur la photographie, notamment sur son statut, paradoxal, de simulacre capable d’ouvrir un accès au réel.
Les photographies de l’artiste accèdent à une présence individuelle, presque onirique, sans autre artifice que le cadrage qui les désigne au regard et, parfois, un événement fortuit mais bien vu. Elles montrent aussi, peut-être, une certaine absence au monde qui fait, avec la faculté de croire, notre condition.