Plusieurs déclics ont fait de George Nelson cet extraordinaire créateur, célébré aujourd’hui à la galerie Christine Diegoni, à Paris, et au musée Vitra à Weil-am-Rhein. Jeune étudiant en architecture à Rome dans les années 30, George Nelson se passionne pour les modernes. Il profite de son séjour en Europe pour en interviewer les figures majeures dont Le Corbusier. Ses articles, publiés dans Pencil Points, font découvrir aux Etats-Unis les maîtres de l’avant-garde européenne.
En 1942, il rentre aux USA et écrit dans le magazine Architectural Forum, publie des livres sur Albert Kahn et un ouvrage avec Henry Wright : House’s Tomorrow. Ses recherches sur l’habitat pour l’amélioration du cadre de vie le pousse à imaginer des solutions de rangement adaptées aux appartements les plus exigus. Le Storage Wall voit le jour en 1945. Publiée dans Life Magazine et exposée chez Macy’s, le grand magasin new yorkais, la création fait sensation. Système de parois dont les éléments modulaires — blocs tiroirs, blocs de rangement, étagères — sont connectés sur une structure tubulaire, il peut servir de séparation entre deux pièces. Interchangeables, les éléments qui le composent sont combinables à loisir par l’usager.
Monsieur De Pree, fondateur de la société Herman Miller, lui rend visite à New York et le sollicite pour succéder à Gilbert Rohde (décédé en 1944) à la tête du département design. Il commence à travailler sur sa première collection et collabore avec la société pendant 25 ans. C’est George Nelson, qui a présenté son ami Charles Eames à Mr De Pree.
La démarche du designer ne pouvait qu’enthousiasmer l’industriel du meuble : ses systèmes inventés combinaient des idées simples, une technologie sophistiquée, pour des produits d’une grande l’élégance et d’une grande modernité. Le dénominateur commun de la philosophie de Nelson étant le principe d’interchangeabilité et le montage en kit.
En témoignent le Slat Bench (1945) et le Platform Bench (1946), des blocs de rangement basiques, en bois sur piètement d’acier, qui peuvent être utilisés comme sièges, table basses, meubles d’appoint de bureaux ou de salles de bain… Résistants à l’humidité, légers et pratiques, ils prônent une élégance simple avec un choix de finitions bois ou de surfaces laquées.
Le fameux Home Desk, lui, conçu à l’origine pour les dames, s’impose comme le prototype des bureaux intégrés modernes, avec ses éléments de rangement décoratifs en bois et tôle suspendus au plateau gainé cuir.
Après le fauteuil Coconut de 1955 et le Comprehensive Storage System de 1959, le système de Steel Frame Cases and Seatings permet aux usagers de choisir entre une assise et des étagères par l’intermédiaire d’une cornière en acier, prévue pour qu’y soient posés indifféremment plateaux ou coussins.
Dans les pièces représentatives des années 1950, un ensemble pour la salle à manger en polyester moulé, le Swaged Leg Group, révèle un travail sur l’ergonomie des plus avant-gardistes.
George Nelson avait la conviction qu’un designer, s’il voulait créer en accord avec les besoins humains, devait être conscient de son action sur les gens et la société : « Le design total n’est rien de plus qu’un processus pour relier le tout au tout ». L’œuvre de Nelson marque par son authentique modernité. Dans les années 50, Herman Miller révèle ses productions en Europe marquant ainsi toute une génération de designers français et en particulier Pierre Paulin.
— Georges Nelson pour Howard Miller Clock Co, Sunflower, 1949. Pendule en bois plié. Diamètre 50 cm.
— George Nelson, Catenary, 1962. Assise en cuir enroulée autour de la structure en métal dont les points forts sont laissés apparents (boutons aux extrémités de l’assise), piètement métal.
— George Nelson, fauteuil Coconut et son ottoman (repose pieds), 1954/56. Coque en plastique revêtue de cuir couleur vert bouteille et piètement chromé.
— George Nelson, bureau Home Desk, 1946. Bois de hêtre, cuir rose et rangement sur rail pour dossiers supendus en résille métallique, piètement tubulaire en métal.
— George Nelson, banquette Platform Bench, 1946. Bois d’érable, piètement en bois à section trapézoïdale dont la finition est de couleur noir ébène.