Erwin Wurm fait partie des artistes incontournables depuis déjà une dizaine d’années. Son œuvre parvient à fusionner un certain rigorisme de l’art conceptuel américain des années 1960 et l’excentricité de Britanniques comme Gilbert & George, le tout à la sauce «fin de siècle».
On connaît surtout ses One Minute Sculpture, pièces dans lesquelles un acteur est invité à suivre un protocole simple. Il doit ainsi faire tenir des bouteilles de lessives entre son corps et le mur, positionner stylos et agrafeuses sur son visage… le tout formant un équilibre pour le moins précaire. Questionnement sur le temps, les «sculptures d’une minute» synthétisent tous les paradoxes d’une civilisation de l’éphémère (la minute) qui vise l’éternité (la sculpture). Demandez le programme: «résister au bougisme… pendant une minute».
Du temps qui passe en vitesse accélérée, nous n’en sommes pas très éloignés avec les sculptures récentes de Wurm.
En élançant des formes vers le ciel, les architectes ont lancé un défit aux lois de l’apesanteur. Avec Wurm, sous l’impacte de quelques forces étranges, les bâtiments se mettent à fondre: «La loi de la gravité est dure mais c’est la loi», annonçait Brassens dans une de ses chansons.
Mies van der Rohe — pape du style International qui prônait les formes pures — est mis à mal avec Mies van der Rohe Melting (2006). Le bâtiment fond comme un bonhomme de neige à la fin de l’hiver.
La cruauté affichée de Wurm à l’encontre de Mies van der Rohe trouve son explication avec Home (2006), patate géante sortant du mur qui interpelle le visiteur dès son entrée dans la galerie. On pense alors aux théories de Robert Venturi — pourfendeur du style International et inventeur du style postmoderne en architecture — pour qui le modèle ultime sont les bâtiments commerciaux de Las Vegas.
Pour Venturi, il existe deux types de bâtiments commerciaux: ceux qui annoncent ce qu’ils proposent comme des panneaux publicitaires (decorated shed) et ceux qui en imitent la forme (un restaurant proposant du canard aura une forme de canard). Avec Home, Wurm adopte la seconde option non sans ironie lorsqu’on comprend que la patate géante annonce ce qu’on vend dans les galeries d’art contemporain !
Avec Art Basel fucks Dokumenta (2006), Wurm nous plonge dans la vie sexuelle de l’architecture. Ici, le bâtiment de la Foire d’art contemporain de Basel chevauche ardemment celui de la Foire de Kassel nous offrant une explication farfelue à la multiplication actuelle des biennales et autres foires d’art contemporain. Et si c’était ça la reproduction institutionnelle?
Fruit d’une sorte de tunning martien, Ufo (2006) est une Porsche transformée en soucoupe volante, comme pour prouver que les aliens ont aussi des occupations de beauf. À moins qu’il ne s’agisse d’une clef à la compréhension de l’exposition de Wurm. Et si Wurm venait juste de descendre de sa soucoupe volante regardant d’un œil amusé les terriens avant de s’ennuyer et de lancer — comme l’E.T de l’art contemporain — un ultime «Erwin phone home».
Cette exposition participe au programme « Rendez-vous dans les galeries », une initiative de «Francofffonies ! le festival francophone en France».
Traducciòn española : Santiago Borja.
English translation : Laura Hunt.Â
Erwin Wurm
— Ufo, 2006. Carrosserie de voiture, plastique et peinture acrylique. 80 x 275 x 530 cm.
— Home, 2006. Résine et peinture acrylique. 110 x 115 x 285 cm.
— Baguette, Flying Objects to Escape From Home, 2006. Résine acrylique et peinture. 6 x 25,6 x 8,5 cm.
— ArtBasel fucks Dokumenta, 2006. Acrylique sur résine. 62 x 124 x 85 cm.
— Mies van der Rohe Melting, 2006. Résine et peinture. 110 x 73 x 92 cm.
— The Artist Who Swallowed The World, 2006. Résine et tissus. 190 x 140 x 140 cm.
— Eiswerk, The Artists Studio, 2005. Résine et acrylique. 27 x 49 x 27 cm.
— Kuflhaden, 2005. Aluminium et acrylique. 20 x 87 x 70 cm.Â