Communiqué de presse
Karine Ponties
Holeulone
Horaires : 20h30. Création pour deux danseurs, 2005.
— Chorégraphie : Karine Ponties
— Film d’animation : Thierry Van Hasselt
— Texte : Mylène Lauzon et Eric Domeneghetty
— Lumières : Florence Richard
— Musique : Dominique Pauwels
— Scénographie : Wilfrid Roche avec Eric Domeneghetty et Jaroslav Vinarsky
Comment se défaire des brisées du passé, refermer les maux d’hier pour tracer les lignes d’un futur possible? Peut-on être soi en oubliant celui qu’on fut? Avec Holeulone, créé en 2006, Karine Ponties s’aventure dans les trouées incertaines de l’identité, là où “je” peut être un autre, où les souvenirs tannent leurs morsures sur la peau rugueuse du présent. Quelque part vers l’ailleurs ombreux du conscient, dans les plis de songes volubiles, parmi le chahut capricieux des neurones. Fascinant voyage que cette traversée par delà la raison…
La chorégraphe belge part sur les traces de Charlie, héros Des fleurs pour Algernon, roman de science-fiction de Daniel Keyes paru en 1959. Arriéré mental transformé en cerveau surpuissant par l’audace hasardeuse de deux savants, le jeune homme amasse vite les connaissances, affûte sa pensée et son vocabulaire, toisant à l’aune de son intelligence prodigieuse les arrogants d’autrefois qui moquaient sa naïve simplicité. Il bute pourtant sur les élans de l’émotion. Affolé dès que les sentiments le submergent, il se révèle incapable de nouer des relations amoureuses. Tenaillé par le désir d’aimer, Charlie sonde obstinément l’énigme qu’il est devenu à lui-même, fouillant fiévreusement, parmi les traînées d’enfance et les sombres illusions, les tessons qui taillent encore la chair, les censures qui ligotent le cœur jusqu’au sang.
Karine Ponties a trouvé un écho à ses questionnements dans l’histoire de ce personnage écartelé en son propre corps par sa double identité: «Je cherche à explorer et à exprimer dans mes spectacles l’univers du territoire, de l’«Entre», de l’interstice entre les corps qui se frottent, des individualités en errance, la vie du corps dans sa fragmentation.» Avec elle, le sens échappe à tout fléchage assigné. Elle aime creuser des béances dans l’espace des représentations, entrechoquer les matières et les imaginaires, dérouter les lignes de perception. Chercher des états de perte, de fragilité, qui disent l’ineffable de l’être, les vertiges de sensations à peine murmurées.
Avec les danseurs Éric Domeneghetty et Jaroslav Vinarsky, Karine Ponties a puisé la substance chorégraphique dans ce roman écrit comme un journal intime, mémoire d’un autre moi devenu à jamais inaccessible. «Pour traduire et transposer l’énergie et la quête du personnage, il fallait chercher dans un épuisement aussi bien physique que mental pour qu’il en sorte une autre fiction faite de nos doutes, de nos chutes et de nos espoirs, explique-telle. Je construis fondamentalement l’écriture chorégraphique en partageant et mélangeant les formes d’expression de chaque individu qui participe au projet.»
Karine Ponties poursuit ici sa collaboration avec le dessinateur Thierry Van Hasselt, initiée avec Brutalisen 2002, et a rallié la poétesse Mylène Lauzon et le cinéaste Michel Jakar. Le spectacle est ainsi né d’une recherche collective où le corps, l’image, la lumière, l’écriture poétique et leurs interactions trament la dramaturgie.
Holeulone plonge dans l’univers mental de Charlie, vogue sur les eaux vives du souvenir, glisse dans les ondulations de la pensée, au gré des visions ancrées sur le plateau par le film d’animation de Thierry Van Hasselt.
Images fugaces, paysages instables, visages métamorphiques, élans brisés… bordent ce turbulent voyage dans les zones troubles de la personnalité. Surgissant des entrailles d’une structure en pente douce percée de trous, Éric Domeneghetty et Jaroslav Vinarsky luttent au corps à corps, fusionnent, chutent ou s’abandonnent, aux prises avec leur gémellité conflictuelle, monstrueuse, comme deux identités refusant l’identique. Le duo, croisant portés acrobatiques, fluidité gestuelle et figures métonymiques sur la partition pour piano et violoncelle de Dominique Pauwels, donne vie aux oscillations de l’inconscient et influx émotionnels… à l’impossible séparation d’avec le passé. Mouvements, traits, couleurs, sons et formes se fondent en une danse organique, fragile, au bord des abysses du rêve.