L’exposition ouvre sur des sculptures et des peintures dichromatiques: la calligraphie du mot Hobb est déformée jusqu’à évoquer des positions sexuelles. Le mot est scindé en deux parties, l’une rouge, l’autre noire, rouge passion et noir mortifère s’accouplant, comme en hommage à l’inhérence d’Eros et de Thanatos.
L’œuvre est double, se jouant des frontières entre littéralité et abstraction: le jeu érotique et le mot qui le désigne fusionnent en une œuvre mouvante, fluctuant sans cesse entre la chose et sa définition.
L’on ne peut s’empêcher de penser à Joseph Kosuth et son œuvre tautologique intitulée Five Words in Blue Neon, constituée de cinq mots écrits à l’aide de néons bleus, à la fois œuvre et définition de cette œuvre.
Au sous-sol de la galerie, un montage vidéo présente des illustrations du Kâma-Sûtra avec, en surimpression, des traits calligraphiques surlignant les lignes des corps qui s’entremêlent. Accompagnant cette succession de dessins, une mélopée.
Zoulikha Bouabdellah suit une logique de détournement: en superposant une chanson d’amour déçu à des images érotiques, elle transforme les lamentations de la chanteuse en soupirs ambigus. De ce fait, les versants de la relation amoureuse (excitation/déception ou amour/mort) se confondent, à l’image des sculptures bicolores.
Deux œuvres cependant reviennent à la figuration… pour mieux s’en détourner. Voyageur 1 et Voyageur 2, plaques de plexiglas rivées au mur, figurent deux formes humaines, une touriste blanche en maillot de bain rouge et une ombre noire à ses pieds.
Zoulikha Bouabdellah explique (sur son site internet) que le noir, s’il symbolise le désespoir, est aussi potentiellement le vide qui fait naître l’image. «Cela mène à  la conclusion que le contraire de l’image est le noir. Le noir reviendrait à être l’absence d’image donc le vide. Mais, sans le vide l’image ne peut se révéler. Le vide est à  l’origine du monde visible. Le vide n’est pas le vide. Le vide est plein, le noir est riche car en lui existe toutes les images à venir».
Elle établit donc un jeu jungien entre représentations anecdotiques de réalités sociales (ici l’immigration clandestine) et images potentiellement universelles, le noir permettant l’avènement de n’importe quelle image.
Zoulikha Bouabdellah se joue de l’univocité, recherchant la polysémie intrinsèque aux choses. Plutôt qu’une notion d’identité hermétique et étanche, elle réunit le particulier et l’universel en une ode pacifique.
Les frontières de la figuration et de la non-figuration deviennent perméables, à l’instar des frontières raciales et géographiques, laissant le champ ouvert aux potentialités de l’image en devenir.
Zoulikha Bouabdellah
— Pollockgraphie, 2009. Acrylique sur polystyrène. Diptyque 250 x 122 cm chaque.
— Etreinte, 2009. Laque sur papiere. 58 x 83 cm.
— Voyageur 1, 2009. Acrylique sur plexiglas. 132 x 203 cm.
— Voyageur 2, 2009. Acrylique sur plexiglas. 132 x 203 cm.
— Al-Atlal (les ruines / the ruins), 2009. Video diaporama. 2’.
— 2 Lovers, 2009. Acrylique sur plexiglas. Approx 150 x 150 cm.