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Histoire(s) du cinéma

Réédition en un seul volume à l’occasion de l’exposition consacrée à Jean-Luc Godard au Centre Pompidou durant l’été 2006. Parues pour la première fois en 1998, Les Histoire(s) du cinéma sont à la fois une œuvre vidéographique et un livre exceptionnel. Elles réfléchissent de manière inédite le sens des images et le dispositif cinématographique.

— Auteur : Jean-Luc Godard
— Éditeurs : Gallimard/Gaumont, Paris
— Année : 2006
— Format : 14 x 19,5 cm
— Illustration : Noir et blanc et couleur
— Pages : 976
— Langues : français
— ISBN : 2-07-077994-7
— Prix : 45 €

Présentation
Toutes les histoires — Une histoire seule
Et si la mort de Puig et du Négus, la mort du capitaine de Boîeldieu, la mort du petit lapin ont été inaudibles, c’est que la vie n’a jamais redonné aux films ce qu’elle leur avait volé. Et que l’oubli de l’extermination fait partie de l’extermination.
Voilà presque cinquante ans que, dans le noir, le peuple des salles obscures brûle de l’imaginaire pour réchauffer du réel. Maintenant celui-ci se venge et veut de vraies larmes et du vrai sang.
Mais de Vienne à Madrid, de Siodmak à Capra, de Paris à Los Angeles et Moscou, de Renoir à Malraux et Dovjenko, les grands réalisateurs de fiction ont été incapables de contrôler la vengeance de ce qu’ils avaient vingt fois mise en scène.

Seul le cinéma — Fatale beauté
Car encore, puisqu’il avait voulu imiter le mouvement de la vie, il était normal, il était logique que l’industrie du film se soit d’abord vendue à l’industrie de la mort.
0, combien de scénarios sur un nouveau-né, sur une fleur qui pousse, mais combien sur des rafales de mitraillettes. Parce que voilà ce qui s’est passé.
La photographie aurait pu être inventée en couleurs. Elles existaient. Mais voilà, au petit matin du vingtième siècle, les techniques ont décidé de reproduire la vie. On inventa donc la photographie. Mais comme la morale était encore forte, et qu’on se préparait à retirer à la vie jusqu’à son identité, on porta le deuil de cette mise à mort.
Et c’est avec les couleurs du deuil, le noir et le blanc, que la photo se mit à exister.

La monnaie de l’absolu — Une vague nouvelle
Les Russes ont fait des films de martyre. Les Américains ont fait des films de publicité. Les Anglais ont fait ce qu’ils font toujours dans le cinéma, rien. L’Allemagne n’avait pas de cinéma, plus de cinéma. Et les Français ont fait Sylvie et le fantôme. Les Polonais ont fait deux films d’expiation, La Passagère et La Dernière Étape, et un film de souvenirs, Kanal. Et puis ils ont fini par accueillir Spielberg lorsque: plus jamais ça est devenu: c’est toujours ça.
Tandis qu’avec Rome, ville ouverte l’Italie a simplement reconquis le droit pour une nation de se regarder en face. Et alors est venue l’étonnante moisson du grand cinéma italien. Mais il y a une chose étrange cependant. Comment le cinéma italien a-t-il pu devenir si grand puisque, tous, de Rosselini à Visconti, d’Antonioni à Fellini, n’enregistraient pas le son avec les images ?
Une seule réponse. La langue d’Ovide et de Virgile, de Dante et de Leopardi, était passée dans les images.

Le contrôle de l’univers — Les signes parmi nous
Oui, mais l’histoire. Au fond, qu’est-ce que c’est? Tout au fond. Malraux: nous sentions tous que l’enjeu appartenait à un domaine plus obscur que le domaine politique. Braudel: qu’on mesure la foule de ceux qui nient leur misère. Le nombre de ces cœurs qui veulent être eux-mêmes, vivre de leur vie malgré tout. Comme si notre vie était à nous. Hélas, à notre disposition. Et cet enfoiré de Cioran: rien de ce que nous savons ne reste sans expiation. Nous payons chèrement, tôt ou tard, n’importe quel courage de la pensée ou indiscrétion de l’esprit. Et le jeune Péguy: ah, l’histoire: une sombre fidélité pour les choses tombées. Qu’arrive-t-il toujours, mon ami ? Le soir tombe. Les vacances finissent. Il me faut une journée pour faire l’histoire d’une seconde. Il me faut une année pour faire l’histoire d’une minute. Il me faut une vie pour faire l’histoire d’une heure. Il me faut une éternité pour faire l’histoire d’un jour. On peut tout faire, excepté l’histoire de ce que l’on fait.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Gallimard/Gaumont — Tous droits réservés)

L’auteur
Jean-Luc Godard est un réalisateur franco-suisse, né le 3 décembre 1930 à Paris. Il est également acteur, chef monteur, dialoguiste, monteur, producteur et scénariste. Chef de file de la Nouvelle Vague, cinéaste militant, son œuvre évolue a partir des années 80/90 vers le Collage poétique, truffée de références et d’hommages aux maîtres de l’histoire de la peinture et de la musique (Mozart). Personnage emblématique dans l’histoire du cinéma français et international, son image d’intellectuel exigeant et sa voix inimitable se sont un peu substituées à son œuvre.

Traducciòn española : Maï;té Diaz
English translation : Nicola Taylor

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