Georges Didi-Huberman, Arno Gisinger
Histoires de fantômes pour grandes personnes
Cette exposition traite de cette vie fantomatique des images dont notre présent, autant que notre mémoire – historique ou artistique – est constitué. Ce que nous éprouvons en effet chaque jour dans l’actualité des images, celles de l’art comme celles des médias, apparaît souvent comme un mélange de choses nouvelles et de survivances qui viennent de très loin dans l’histoire des hommes, un peu comme dans ce rêve de la nuit dernière où se retrouvent des images de notre plus profond passé.
L’exposition se présente comme un hommage contemporain à l’œuvre d’Aby Warburg (1866-1929) qui a joué, dans le domaine de l’histoire de l’art, le même rôle fondateur que Sigmund Freud a pu jouer dans celui de la psychologie: tous deux ont fait «lever les fantômes» de nos activités de chaque instant. Freud l’a fait, notamment, dans son grand livre sur l’interprétation des rêves, en faisant un montage étonnant de récits oniriques donnant lieu à une première et magistrale théorie de l’inconscient psychique. Warburg l’a fait, de son côté, dans un grand atlas d’images – intitulé Mnémosyne, nom grec de la déesse de la mémoire – réunissant un millier d’exemples figuratifs où toute l’histoire des images occidentales se dispose de façon à nous faire entrevoir les problèmes les plus fondamentaux de la civilisation.
Une première série d’œuvres, intitulée Atlas, suite est constituée d’environ cent-vingt photographies réalisées et rigoureusement ajointées par Arno Gisinger: c’est un travail d’interprétation et de remontage à partir d’une grande exposition produite en 2010 par le Musée Reina SofÃa de Madrid et qui a voyagé en Allemagne où les photographies ont été prises. Atlas, suite est un essai visuel sur certaines constellations d’images à partir desquelles de nouvelles rencontres, de nouvelles significations surgissent, comme lorsque les visages anonymes de Walker Evans viennent se refléter dans les portraits d’hommes célèbres par Gerhard Richter.
Un second travail de Georges Didi-Huberman, intitulé Mnémosyne 42, propose une vue immense du montage conçu par Warburg autour du motif de la lamentation des morts, cette vue étant elle-même «complétée» par une interprétation nouvelle de ce thème sous la forme d’une gigantesque planche d’atlas horizontale – sur les mille mètres carrés de la grande nef du Fresnoy – faite de documents en tous genre, d’images fixes et mouvantes qui se répondent, de Giotto à l’art contemporain, d’Eisenstein aux printemps arabes…
L’exposition Histoires de fantômes pour grandes personnes se déroule dans le cadre de l’événement «Fantastic» organisé par Lille 3000.