Pascal Convert
Histoire Enfance
Être l’enfant d’un personnage célèbre n’est certainement pas une position facile. Il faut se faire, sinon un nom, du moins un prénom. Cela exige une force de caractère singulière mais la présence du père et/ou de la mère rend possible un conflit émancipateur.
Mais qu’en est-il des enfants dont le père et parfois la mère ont disparu dans des circonstances particulièrement violentes et tragiques? A première vue, on pourrait s’imaginer qu’être l’héritier d’un héros fusillé durant la Résistance, qu’il s’appelle Gabriel Péri, Georges Politzer, Charles Michels ou Pierre Semard donne une légitimité morale et sociale indiscutable. Mais ce serait être très loin de la réalité de la solitude qui va être la leur. Ces enfants de l’amour sont aussi des enfants de la mort et ils portent dans leurs bras ces deux fardeaux sans savoir où les déposer.
Leurs histoires sont, au sens littéral, extraordinaires. Comme seul exemple: la fille de Lucien Dupont est née en prison; son père avait été fusillé quelques jours auparavant et sa mère déportée alors qu’elle n’avait que quelques mois. Longtemps, elle a ainsi considéré la Résistance comme une ennemie qui lui avait pris son père, sa mère et son enfance.
Les quelques photographies choisies parmi celles qui nous sont parvenues par delà le désastre n’ont ni l’aura des reliques, ni le parfum mélancolique des archives. Elles montrent des corps toujours vivants, vivants malgré tout.
L’Histoire est parfois un enfant destructeur et l’enfant qui naît dans ces périodes a la terrible tâche de remonter ces temps disloqués.
Aux côtés de ces images, des cristaux de temps obtus, venus des champs de bataille de Verdun: les sculptures nées de la vitrification de souches. «Une souche est bien plus que le socle de l’arbre. … Elle offre la condition d’un déploiement généalogique, elle apparente l’arbre, lui impose sa forme d’ascendance et de descendance. C’est une base d’évolutions futures, une condition vitale de possibilités encore inconnues. C’est une forme … pour le désir, pour l’angoisse, pour la parenté» (in La demeure, la souche, Georges Didi-Huberman).