Communiqué de presse
Maryvonne Lexington
Histoire
« Diverses et complexes, les aquarelles de Maryvonne Lexington ont ceci de fascinant qu’elles absorbent pendant de longs moments le regard dans les méandres et les recoins de leur configuration.
Sans a priori ni prédétermination de ce qui pourra retenir son attention et trouver une forme de concrétisation dans sa pratique, l’artiste regarde la réalité ou, plus précisément, sa réalité. Elle cherche à instaurer une expérience de la concentration.
Mais que faut-il entendre ici par concentration ? Dans la perspective qui occupe cette artiste, née en Australie, qui vit et travaille à Paris et à Londres, le terme renvoie bien sûr à l’accumulation et à la centralisation, mais aussi à une sorte de vertige ontologique qui a pour loi l’éclatement, la discontinuité tout autant que la focalisation, la condensation. La grande variété des représentations montre une écoute et une attention aux choses particulièrement actives et efficientes.
Surtout, Maryvonne Lexington laisse parler les possibles et ne s’interdit rien, hormis la facilité du spectaculaire. Si les compositions de l’artiste ne constituent pour ainsi dire jamais de visées tautologiques, elles fonctionnent plutôt comme des suites d’indices qui forcent l’esprit et le regard à effectuer un travail mental de recomposition des choses et du monde, un travail qui se met en oeuvre à l’aune de la digression sensible.
La plante sortie de son herbier apparaît telle une métaphore pertinente et efficace de l’éclatement caractéristique de notre perception de la réalité.
La nature même des travaux de Maryvonne Lexington, par la multiplication des occurrences visuelles qu’elle propose et la sensibilité particulière qui s’en dégage, aide à traverser et à dépasser la segmentation, à aller au-delà . L’exposition de Bourréac se montre à l’image d’une certaine forme de création caractéristique de notre univers, ainsi définie par Slavoj Žižek : « La notion de création change avec cette nouvelle expérience du monde : elle ne désigne plus l’action positive d’imposer un ordre, mais plutôt le geste négatif du choix, de limiter les possibilités, de privilégier une option au détriment des autres ».
L’oeuvre de Maryvonne Lexington offre ainsi une dialectique entre le lisible et le visible. Loin de toute mimésis, elle se saisit du passage de la lumière et du temps, une picturalité qui s’attache à rendre les nuances lumineuses et colorées que l’oeil capte à la frontière de l’imperceptible.
L’artiste ausculte le monde avec sensibilité et acuité, tentant de le rendre lisible par le biais d’une poésie du presque perceptible, de celui que l’on n’entrevoit qu’à la lumière du doute et qui permet la suggestion et une imagination débridée. »
Magnus Brönholm.
« Maryvonne Lexington met en évidence le processus d’appropriation d’un médium par un autre et s’interroge sur les modifications que celui-ci entraîne dans notre perception des images.
Pour l’artiste australienne, l’image est moins le fait d’une entité que d’une croyance collective formée à son sujet. Dans ses derniers travaux exposés à la Bergerie – Lieu d’Art Contemporain se profile la figure du doute qui se traduit par une perte de confiance en ce qui emportait jadis notre adhésion.
L’exposition « Histoire » induit une lecture différente des mêmes images qui rend incertaine la réalité qu’elles sont censées dépeindre. En effet, le dispositif mis en place par l’artiste nous amène à adopter une attitude critique vis-à -vis d’images, la représentation des pages d’un herbier, qui, en perdant tout contact évident avec une réalité ultime, sont renvoyées à leur propre facticité. L’usage de l’aquarelle est tout simplement sorti du régime de la vraisemblance pour revêtir l’aspect d’une pure apparence. Quel sens donner à une telle recherche dans le contexte global de cette
société de l’image qui est la nôtre ?
Dans un monde saturé d’images, la tâche du peintre désormais peut sembler non pas d’ajouter mais de soustraire pour faire oeuvre de révélation de ce qui fut toujours donné. La superbe exposition de Bourréac est alors en quelque sorte ce lieu, cet espace, cette géologie entre les histoires. Maryvonne Lexington désire le règne du discontinu, de la variation, du recommencement dans l’infime différence. C’est dans ce but qu’elle défie la chronologie, qu’elle ensable pour mieux redécouvrir après l’oubli, qu’elle crée des labyrinthes. Pourquoi cet herbier ? Quand l’artiste rejette une forme, c’est pour la remplacer par une autre qui tend vers la symétrie.
Maryvonne Lexington entretien avec l’histoire un rapport dubitatif. Sa conviction est qu’elle est moins une somme de faits qu’une construction à la fois mentale, académique, politique, médiatique. S’il est avéré que l’histoire existe, il est tout aussi patent que l’histoire est un récit avant d’être une essence. L’artiste dit avoir récemment pris conscience que « à mesure que le temps passe et que la mémoire se nimbe de flou, nous conservons des sensations liées à des instants, à des lieux, à l’espace.
Sans être une maniaque du détail, je peux alors savourer la surprise, le suspens, l’angoisse même qui accompagnent ce moment retrouvé et tout ce qu’il charrie de particulier, peut-être même d’unique». C’est cette atmosphère que distille « Histoire », une exposition d’une grande force qui possède la particularité de se situer dans l’espace inframince de la réplique, de ses éventuelles inexactitudes.
Les aquarelles de Maryvonne Lexington sont singularisées par une évanescence capable de durer, de mûrir, d’occuper une place et de mobiliser une énergie. Elles sont une combinaison subtile d’éléments relatifs à l’organisation politique ou sociale et de signes manifestes d’une présence humaine sensible, fragile, tenue à distance mais néanmoins posée. Cette approche distanciée et discrète de ce qui touche à l’individu, à son intimité, s’applique aussi aux événements d’ordre universel que l’artiste évoque de manière indirecte.
Dans cette magnifique exposition, Maryvonne Lexington soulève et laisse ouvertes des questions qui s’enveloppent d’un épais voile nostalgique. Son très jeune et très rigoureux travail sait exiger tour à tour l’enchantement et le dérèglement, sachant par avance que l’efficacité se trouve dans le mouvement qui, inlassablement, va de l’un à l’autre. »
Manuel Martinez.
« Femme de très peu de mots, Maryvonne Lexington est à l’inverse une artiste à la production baroque et cool. Si les influences d’un Daniel Buren, d’une Marlene Dumas, de l’art populaire slave et thaïlandais sont les plus évidentes à relever, il faut connaître Maryvonne Lexington enracinée dans l’histoire de l’art australien, vouant une profonde admiration à ses aînés Brown et Mc Laud.
Artiste polymorphe, elle multiplie et structure les éléments naturels et artificiels et les dissémine dans ses oeuvres. Australienne blond platine au physique d’égérie, elle aurait pu être chanteuse dans un groupe électro-punk. Elle a préféré l’art contemporain. Maryvonne Lexington ne revendique aucune création mais déclare observer et dessiner ce qui l’entoure. Affirmation bien modeste pour évoquer une oeuvre dense aux ramifications multiples car, qu’elle dessine, peigne, réalise des pièces en trois dimensions ou des installations, elle ordonne un idiolecte complexe et varié.
Sa toute dernière exposition à la Bergerie – Lieu d’Art Contemporain fait résonner un thème ontologique : la capacité du temps et de l’espace à se transformer.
Influencée par la calligraphie orientale, Maryvonne Lexington travaille dans une grande concentration mentale et physique, perceptible dans l’énergie constante qui parcourt ses tableaux. Avec « Histoire », la traversée de la proposition thématique s’effectue en empruntant des directions divergentes ou convergentes, dans l’exploitation des diverses possibilités de cette double polarité et de ses modes de manifestation.
La perception de la réalité est ainsi livrée aux échos, correspondances et collisions des fragments assemblés, qui font bouger les articulations entre intériorité et extériorité.
Maryvonne Lexington dresse un magnifique état des lieux actuels de la nature qui existe pleinement en se frayant des passages d’un médium à l’autre, en débordant les cadres des classements, en se plaisant au renversement des hiérarchies académiques. Ces images ouvrent une perspective dans un temps suspendu, et laissent libre cours à l’imagination. S’ouvre aussi un questionnement sur l’interaction entre l’environnement et les manières d’être. Et mine de rien, comme ça, en passant, chaque oeuvre nous apporte une somme d’information sur la végétation d’aujourd’hui. Une superbe exposition. »
Loïc Leroux.