Pièce pour deux danseurs, The Swan and The Pimp (2018) du chorégraphe Hillel Kogan joue sur les clichés de la danse. Pouvant se traduire par Le Cygne et le mac, ou Le Cygne et le souteneur, The Swan and the Pimp, mobilise le vocabulaire de la séduction. Sur scène, Hillel Kogan et Carmel Ben Asher déplient lentement les mythes genrés associés aux danseurs. Référence au chef-d’œuvre romantique qu’incarne Le Lac des Cygnes, s’esquisse ainsi la question des regards. Le postulat de Hillel Kogan est simple : l’image de la danseuse est souvent associée à la sexualité et à l’éveil du désir chez ses publics. Et les danseurs qui les accompagnent sont souvent (dans leur vie et à l’instar de Hillel Kogan) homosexuels. Cette figure du duo aussi sensuel que récurrent, sur scène, pose alors la question des attentes des publics. Celle du voyeurisme associée à ces attentes.
The Swan and The Pimp de Hillel Kogan : un duo contre les clichés
Sur une scène dépouillée mais baignée d’une lumière atmosphérique mouvante (d’Ofer Laufer), Hillel Kogan et Carmel Ben Asher dansent. Elle a vingt-cinq ans ; elle est ce que la norme pourrait qualifier de : jeune, belle et désirable. Il a quarante-cinq ans ; il est ce que la norme pourrait qualifier de : fort, sportif, dominant. Leur duo a tout pour faire envie. Leur duo est donc en bonne place sur le marché du désirable. Enfant turbulent de la danse contemporaine israélienne, Hillel Kogan s’empare directement des clichés. Avec The Swan and The Pimp, c’est le lien entre éthique et esthétique qu’il désosse. Formé à la Batsheva Dance Company, Hillel Kogan cultive une danse alliant excellence, exigence, et grande attention au moment présent. Face au Lac des Cygnes, avec sa danseuse pure et frêle, ne pouvant être sauvée que par un homme vaillant, Hillel Kogan cultive plutôt les ambiguïtés.
Le cygne, le contre-signe, la danseuse et son mac : que désirent les publics ?
La danseuse de The Swan and The Pimp est ambivalente. L’est également la figure tout de noir vêtue incarnée par Hillel Kogan. Est-il Siegfried, l’amoureux meurtri ? Le sorcier von Rothbart, semant la désolation ? Ou bien Odile, l’ombre d’Odette ? Comme le note Hillel Kogan : « Le danseur devrait être fort et virtuose, un super-homme capable de soulever sa femme, de la soutenir et de la guider dans ses pas. Nous savons aussi que beaucoup de danseurs sont, comme moi, homosexuels. Le danseur pourrait-il être considéré comme un vrai homme ? » De vingt ans son aîné, sweat à capuche… Les deux oiseaux de The Swan and The Pimp font grincer les attentes. S’il y a du plaisir à épier les modèles inaccessibles, il y en a aussi à les voir se faire arracher quelques plumes. Du moins n’est-ce ce pas ce que la coutume tient pour vrai ?
Duo pointu, entre musique électro (Rejoicer) et musique de ballet, The Swan and The Pimp scrute ainsi les rapports de force ; les rapports de désir et dépendance à l’œuvre dans la fabrique du regard sur la danse contemporaine.