PHOTO | CRITIQUE

Hidden

PPaul Brannac
@19 Fév 2009

Dans l’œil de bœuf du cercle corrodé, l’éclat brumeux du soleil de Manhattan, un drapeau des États-Unis, une voiture de la police de New York, un premier plan d’asphalte. Les médaillons se succèdent sur les cimaises en autant de vues vaporeuses et banales.

Pourtant, ce que montrent les photographies d’Alain Declercq, personne n’a pu les reproduire en images depuis septembre 2001. Ils sont ces lieux de la ville jugés «sensibles» — commissariats, tunnels ou ponts — sur lesquels s’est abattu un nouvel interdit iconoclaste.
Connu pour l’intérêt qu’il porte aux effets des mesures sécuritaires, Alain Declercq s’est ici pourvu d’une archaïque camera oscura de sa fabrication qui, posée au sol le temps de la pose, produit ces clichés aléatoires et brouillés.

Alain Declercq activiste assemble aujourd’hui une notable collection d’œuvres et d’actes subversifs et contradictoires qui agacent l’intérêt de la cellule anti-terroriste même. La bêtise de ceux qui se scandalisèrent de Punishment Park de Peter Watkins au point d’obtenir la durable interdiction de ce film peu subtil et fort pauvre, semble ne se jamais tarir. Et son plus sombre effet est de faire d’artistes parfois dignes d’intérêt certes, mais promptement datés, des éléments dangereux ou de possibles gloires, c’est selon.

Alors, pour aujourd’hui, ce qui reste de ces vues en judas de notre monde apeuré, c’est qu’elles nous placent dans une situation inquiète, depuis laquelle le familier est étranger. L’effet des interdictions de photographier, des appels à la vigilance, des sirènes alarmantes, des discours étatiques ou des annonces médiatiques, est bien de nous forcer à scruter le banal pour y déceler la menace. De faire de chacun de nous les agents anonymes de notre propre surveillance, car la délation est une valeur républicaine et, c’est connu, les Français ont la passion de l’épistolaire.
Vous ne voyez rien ? Tout vous semble calme et normal ? Pourtant quelque chose se prépare, quelque chose de terrible, prenez garde, alarmez. Non, rien ne se prépare cependant. Tout est là sous nos yeux car cette rue, notre rue, nous ne la reconnaissons pas. Faits paranoïaques, nous cédons le terrain, les lieux, le réel, aux terroristes rebelles et officiels. Ils ont remporté une victoire déjà, puisque, regardez, un artiste se cache.

Alain Declercq
— Midtown full, 2008. Tirage couleur d’après négatif. Caméra obscura. 50 x 50 cm
— Federal full, 2008. Tirage couleur d’après négatif. Caméra obscura. 50 x 50 cm
— Rickers full, 2008. Tirage couleur d’après négatif. Caméra obscura. 50 x 50 cm
— Brooklyn full, 2008. Tirage couleur d’après négatif. Caméra obscura. 50 x 50 cm
— Battery full, 2008. Tirage couleur d’après négatif. Caméra obscura. 50 x 50 cm

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