Après une longue fermeture, la foule se presse au Musée de l’Orangerie pour redécouvrir les Nymphéas de Monnet. Une manière de célébrer un courant artistique majeur et d’en goûter, du regard, la beauté effusive et délicate. La galerie Ghislaine Hussenot, elle aussi, rend hommage aux impressionnistes mais met de côté la peinture du XIXe siècle. «Les chefs-d’œuvre du passé sont bons pour le passé: ils ne sont pas bons pour nous» ! En accueillant Sutton Lane in Paris — encore et toujours mais, pourquoi s’en priver, l’exposition est magnifique —, elle préfère fêter l’esprit animant l’art.
Palimpseste esthétique plus que décalque, le cycle des Nymphéas inspire chaque toile de Henriette Grahnert et Camilla Low. Les dégradés de vert et de bleu semblent se diluer dans la maussaderie picturale: une harmonie colorée rappelant l’étang de Giverny sur lequel s’impriment des éléments inédits. Des ballons traversent la toile et y déversent des larmes de peinture. Au pourtour, les brisures d’un cadre délimitent l’espace autant qu’elles y mêlent des motifs décoratifs. En bandes serrées, des triangles multicolores deviennent des émaux précieux.
Des astuces de plasticiennes pour piller les classiques et s’en attribuer la maternité? Non, davantage une mise à distance, une façon de magnifier cette toile de fond.
Les grands canevas sur lesquels les deux artistes peignent leur commandent presque cette réinvention: l’espace pictural (jusqu’à 3 x 4,5 m) est trop vaste pour la simple description paysagère ou la nature morte. Un vase posé sur une nappe — une effusion flashy de taches violettes, roses, oranges et jaunes phosphorescents sur une broderie en pointillés saumon — occupe un tiers du tableau.
Le reste n’est que formes géométriques empourprant l’arrière-plan brou de noix ou l’éclaboussant de gouttelettes de peinture. Grahnert et Low perdent le figuratif dans l’émotion chromatique et, du même coup, touchent juste. Tout l’impressionnisme est là , poursuivi et non plagié: un chant du monde où la perception rétinienne prime sur son intelligence.
Leurs installations concrétisent ce jeu sur la perception visuelle. D’étranges longues-vues scrutent l’horizon absent. Ces parallélépipèdes se teintent de vert, de bleu canard ou de noir, peut-être pour vivifier un peu leur froideur métallique.
Des cadres suspendus s’enchâssent à trois mètres du sol et rappellent les compositions abstraites des toiles. En allant vers des matériaux et des traitements plus conceptuels, les deux plasticiennes prouvent l’étendue de leur talent. Du moderne au contemporain.
A un moment où les artistes, pour affirmer leur patte, font table rase de l’histoire de l’art, Henriette Grahnert et Camilla Low se l’approprient sans en être esclaves. Du coup, le chemin menant de la galerie au musée n’a jamais été aussi court et passionnant.
Traducciòn española : Santiago Borja
English translation : Laura Hunt
Camilla Løw
— Red Chemistry, 2006. Bois, peinture. 20 x 20 x 120 cm.
— Chemistry, 2006. Bois, peinture. 40 x 40 x 100 cm.
— Annalisa, 2006. Bois, peinture. 210 x 6 x 6 cm.
— O, 2006. Perspex, cordelette. Diamètre 40 cm, hauteur variable.
— Sister, 2006. Perspex, fil de fer. 210 x 50 x 50 cm, hauteur variable.
— Memphis, 2006. Perspex, peinture émaillée. 80 x 30 x 30 cm.
— Casino, 2006. Bois, peinture. 9 x 9 x 9 cm.
— Days, 2006. Bois, peinture, cordelette. 250 x 120 x 3,5 cm.
— Atlas, 2006. Bois, peinture, poudre métallique, enduit. 165 x 175 x 85 cm.
— Ocean, 2006. Bois, peinture, poudre métallique, enduit. 130 x 175 x 85 cm.
— Diva, 2006. Bois, cordelette. 220 x 90 x 70 cm.
Henriette Grahnert
— It’s Hard to Cover an Ugly Hip, 2006. Huile et laque sur toile. 200 x 290 cm.
— Durchbruch, 2006. Peinture en bombe sur papier. 73,6 x 58,4 cm.
— The Wrong Party, 2006. Huile et laque sur toile. 180 x 150 cm.
— Little Horror Flowers, 2006. Huile et laque sur toile. 200 x 290 cm.
— Air Guitar Contest, 2006. Huile et laque sur toile. 300 x 450 cm.
— Lovesick, 2006. Huile sur toile. 48 x 81 cm.
— Stagediving, 2006. Huile sur toile. 240 x 340 cm.
— On the Catwalk, 2006. Huile sur toile. 240 x 200 cm.
— Sad Song, 2006. Huile sur toile. 60 x 50 cm.