Vidya Gastaldon
Hello From the Other Side
Connue pour ses inspirations multiples et variées, Vidya Gastaldon puise cette fois-ci dans le répertoire de la pop musique pour donner le ton de sa nouvelle exposition personnelle intitulée «Hello From the Other Side».
Référence assumée au dernier tube de la célèbre auteure-compositrice Adèle, sans nul doute, introspection nostalgique ou règlement de compte sentimental, certainement pas. Les questionnements de la plasticienne franco-suisse ne relèvent que très peu du champ autobiographique. Le titre colle pourtant à merveille tant son œuvre semble tout droit venue d’un ailleurs, d’un autre monde, depuis lequel elle nous appelle et nous attire.
Peintures à l’huile et sculptures de laine nous invitent ainsi à ce voyage vers un au-delà visionnaire, parfois inquiétant mais jamais morbide. L’artiste poursuit sa série de peintures à l’huile «Healing Painting» initiée en 2013. Recouvrant presque intégralement — et sans soucis de la limite imposée par le cadre — des toiles d’occasion dénichées aux puces ou chez Emmaüs, l’artiste leur donne un nouveau souffle sans pour autant annihiler leur existence antérieure.
Profondément marquée par les courants de pensée non-dualistes de l’Inde, Vidya Gastaldon rend perceptible en peinture une sorte de processus de réincarnation ou de transmigration des âmes, par le pigment. Sans le moindre dogmatisme, elle opère au contraire une forme de distanciation face aux différents systèmes de croyances. De nouvelles figures anthropomorphiques et monstrueuses viennent repeupler la toile, invitant le spectateur, à l’image de la Bergère et du Ramoneur de Paul Grimault ou encore des tableaux vivants de J. K. Rowling, à passer de l’autre côté.
Ces «peintures-êtres», habitées ou hantées par ce qu’elles ont été — l’artiste confie d’ailleurs sa difficulté à les considérer comme siennes — abolissent radicalement la frontière entre celui qui regarde et l’objet de son regard. Converties à ce même mysticisme, les suspensions constituées de laine tricotée sur de fines baguettes de bois créent des couloirs ou tunnels mystérieux en lévitation dans l’espace. Toujours autour du tétraèdre, Vidya Gastaldon adopte pour Le long chariot Mixcoatl une figure moins géométrique et plus ornementée qui s’inspire d’organismes bioluminescents vivants dans les profondeurs océanes privées de la photosynthèse.
Cependant la référence au monde sous-marin n’offre qu’une lecture partielle de l’œuvre. Comme souvent chez Vidya Gastaldon, il faut s’en référer au champ mythologique. L’organisme bioluminescent cède alors sa place au «serpent de nuage», traduction littérale du terme «mixcoatl» désignant une divinité aztèque. Mais au-delà d’une mythologie précisément identifiée — ce serpent pouvant tout aussi bien évoquer les dragons processionnels du Nouvel An chinois — ces formes sont surtout des supports de voyages psychiques universels.
Ouvrant sur une invitation légère et décalée, Vidya Gastaldon parvient avec brio et non sans humour à nous convaincre de la rejoindre de cet autre côté. Et dans cette traversée spirituelle, l’artiste fait preuve d’une grande audace formelle comme conceptuelle. En mêlant une pluralité de références, de la pop musique ou l’histoire de l’art comme point de départ à la mythologie aztèque, en passant par les enseignements métaphysiques de l’Inde ou d’ailleurs, elle échappe à tout cloisonnement esthétique, théorique voire idéologique.
Vernissage
Vendredi 12 février 2016