ART | CRITIQUE

Heimo Zobernig

PPaul Brannac
@14 Nov 2008

Artiste autrichien peu exposé en France depuis le milieu des années 1990, Heimo Zobernig se voit aujourd’hui consacrer une exposition à la galerie Chantal Crousel sous forme de reconstitution partielle de son atelier viennois.

Dès l’entrée, un mannequin blanc interpelle le visiteur: corps et coiffure familiers de l’éphèbe en plastique dur, l’inquiétant modèle — un mannequin de vitrine est toujours inquiétant, ne serait-ce que parce que dévêtu il est eunuque — n’en a pas moins une face propre, un visage personnel, celui d’Heimo Zobernig.

Dans une pièce adjacente, un autre mannequin couronné d’une ampoule de cent watts veille pareillement sur l’espace. L’archétype est engoncé dans sa gangue tubulaire de plexiglas teinté qui reflète les œuvres alentours, toutes en bleu Klein : un traversin immense posé verticalement, deux toiles de grand format grillées de blanc ; leur reflet dans l’installation au lumineux moule anthropomorphe produit un certain effet.

Dans la conduite de ses recherches plastiques et esthétiques, l’artiste revendique respectivement la diversité de ses techniques et la pluralité de ses références. Ainsi un monochrome noir de grand format côtoie une grande toile blanche uniquement trouée de trois petits ronds noirs, des sculptures verticales en carton et contreplaqué en forme d’étagères répondent à la verticalité de l’autoportrait en mannequin, dont la diagonale rejoint un cube de bois noir.

De même dans une petite salle, trois peintures de grand format carré représentent chacune verticalement dix bandes de couleur en à-plats disposées chacune différemment et sans logique — composition aléatoire d’un ordre apparemment rigoureux.

Enfin, une sculpture en rouleaux de papier-toilette accrochée à la façon d’une toile, torsions et solidarité des cylindres de carton, qui rappelle certaines maquettes conceptuelles bricolées de l’architecte Yona Friedman.

Ces différentes œuvres font aussi bien référence à l’art conceptuel, à l’abstraction géométrique qu’à Mondrian dans une attitude de liberté artistique héritée notamment de l’Actionnisme viennois des années 1960 et 1970. En d’autres termes, le travail d’Heimo Zobernig se veut une revendication de la liberté de l’artiste contemporain à ne s’inscrire dans aucun mouvement, dans aucune technique, par la citation, l’ironie ou la reconnaissance personnelle des différents courants, artistes et formes des XXe et XXIe siècles.

Pour le néophyte, l’appréciation et la compréhension du travail de Heimo Zobernig sont un peu limitées, car ses implications n’excèdent guère le cadre artistique. Les recherches de cet artiste, sa posture subversive ne sont intelligibles que par l’amateur éclairé, bien que la remise en cause des dogmatismes artistiques en reprenne intentionnellement les formes. Pour conquérir sa liberté intellectuelle, l’artiste a opté pour les figures artistiques de l’oppression qu’il entend dénoncer ; c’est sa liberté et son art qui s’en trouvent affadis.

Heimo Zobernig
— Untitled, 2008. Acrylic on linen canvas. 200 x 200 cm.
— Untitled, 2008. Oil on linen canvas. 150 x 150 cm.
— Untitled, 2008. Polyester, kryptonite, acrylic. 186 x 67 x 44 cm.
— Untitled, 2006. Acrylic on linen canvas. 150 x 150 cm.

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