Artus de Lavilléon
He is not a self declared Genius
Artus de Lavilléon raconte: «été 2005, je pars faire la traversée des Etats-Unis avec deux amies. Sur la route 66 et ailleurs je collecte des phrases, des images et des morceaux de conversations que j’associe en vue d’une exposition à New-York. Puis, je range le projet dans un carton que j’oublie. Six ans plus tard Jessica, mon amie, me demande ce qui se trouve dans ce carton poussiéreux avant de me dire que ce travail préfigure tout le reste.»
Pour ce nouveau projet, Artus de Lavilléon et Patricia Dorfmann ont choisi de montrer les œuvres originales tirées du livre «He is not a self declared Genius». Cette publication s’inscrit dans un projet d’auto-édition et d’archivages qu’Artus de Lavilléon poursuit depuis une vingtaine d’années, qui contient aujourd’hui plus de deux cents ouvrages.
Les photographies collectées lors de ce voyage aux Etats-Unis et associées à des phrases entendues au hasard des rencontres, ne sont pas à concevoir ici comme des collages mais comme symptôme d’une approche très spécifique de la vie dont Artus de Lavilléon cherche par tous les moyens à témoigner. Elles sont en rapport avec une volonté marquée de «se défaire de ces faire-valoirs qui empêchent toute lecture réelle du monde dans lequel on vit, car il s’agit avant tout de se réapproprier un sens, un lieu, un espace, non pas de se définir en fonction de cette vision».
Ici, rien n’appartient à l’artiste, mais tout est néanmoins l’expression d’un vécu qui lui est propre. Enfant issu de la méthode Freinet, influencé par son amitié avec le relieur d’art Pierre-Lucien Martin, Artus de Lavilléon a toujours vécu dans les livres et entouré de mots. Du graffiti aux slogans publicitaires, des citations d’auteurs aux phrases de films qu’il note compulsivement depuis 2001 et réutilise dans ses œuvres, son travail se veut un témoignage exact de l’époque qu’il traverse, sans sélection ni filtre, et surtout très libre.
Lié au mouvement situationniste et à Guy Debord par sa mère, la pratique du détournement qui est présente dans cet ouvrage réalisé en 2011, est aussi à concevoir en référence à la culture Punk et Skate dans laquelle Artus est profondément inscrit depuis la création du fanzine FTBX (Fuck the Blaireaux, fanzine à parution irrégulière skate oblige) en 1986, et celle du magazine de skateboard Tricks dont il était le principal photographe reporter de 1996 à 1998.
L’idée même de détournement était aussi présente lors de la création du concept store L’épicerie (1998-99), puis du magasin–image de la marque Levi’s NIM (2001-2005), ou son association avec la Galerie Patricia Dorfmann sur le projet APA (2001-2007) lorsque Artus de Lavilléon demandait à ses amis d’exposer des œuvres ou des photographies d’amateurs dont le statut dépendait en grande partie de leur présence dans ces lieux et de l’évolution de leur sens premier.
Connu pour ses grands dessins noirs et blancs (notamment avec des collaborations régulières pour M le magazine du journal Le Monde et de courtes intrusions dans le domaine de la publicité), Artus de Lavilléon poursuit parallèlement son travail d’artiste allant de performances engagées à l’écriture du Manifeste de l’art posthume (2004), référent de son travail dans chacune de ses formes, même les plus commerciales.
La réflexion sur la question du droit d’auteur que semble suggérer cette série laisse ici la place à l’idée d’un art qui refuse de se limiter à sa seule lecture présente. Ainsi pour Artus de Lavilléon: «Les phrases et les images sont le voyage et l’expérience, pas la valeur qu’on voudrait leur donner».
Sera aussi présenté lors de cette exposition un aperçu de Archivage de vécu 1995-2014, un livre qu’Artus de Lavilléon inaugurera par le lancement d’un site internet mettant à la disposition du public la presque intégralité de son travail.