Au Palais de Tokyo, Guillaume Paris présente une nouvelle étape de son projet H.U.M.A.N.W.O.R.L.D., soit Holistic and Utopian Multinational Alliance for the New World Center Order and Research in Living and Dying.
Deux pièces vidéo, We are the Children et We Are the World, font directement allusion au succès des années 1980, We Are the World, icône du charity business et preuve des liens qui unissent l’humain, l’économie et le branding — le pouvoir du nom. C’est justement une dimension ironique qui éclaire ici le travail de Guillaume Paris sur la représentation de l’Autre et de l’univers global de la consommation.
We Are the Children joue avec les emballages de produits et les visages séduisants qui les décorent : des corps et des bouilles d’enfants supposés susciter chez les consommateurs l’envie d’acheter, surtout des produits laitiers et hygiéniques. En utilisant la technique du morphing pour passer d’un produit à un autre, d’un visage à l’autre, il compose comme une animation du ready-made.
Selon Guillaume Paris, « le monde enchanté des marchandises va finalement de pair avec le désenchantement du monde ». En liant les emballages et les visages, il retrouve son discours sur la globalisation du marketing et l’universalité des stratégies publicitaires. Il aboutit à l’argument humaniste : « Vous allez voir, ces produits vont vous faire du bien » ou « Vous serez beau comme les utilisateurs de ces produits », autant de rappels du refrain de la chanson : « We are the ones to make a better day ».
La vidéo We Are the World témoigne des mêmes démarches, au sein d’un dispositif plus élaboré. Sept moniteurs sont placés dans un quadrilatère noir. Sept images publicitaires — pour du lait, des céréales, du shampoing, etc. —, sept produits-portraits dont les lèvres et les voix s’animent à l’approche du visiteur. Chacun des produits-portraits représente un pays du G7, ici regroupé de façon métaphorique.
Mais Guillaume Paris entreprend là un nouveau travail sur l’authenticité et l’image. Les voix diffusées sont celles, réelles, des figurants, le plus souvent en décalage avec l’univers aseptisé de la publicité.
Ainsi, la blonde stéréotypée, qui fait l’éloge des shampoings L’Oréal, dresse une liste de maladies gastriques et virales du meilleur effet. Le prosaïque fait irruption dans un monde et une esthétique de papier glacé.
Dans « More Mixed Blessings », à La Galerie de Noisy-le-Sec, l’autre exposition de Guillaume Paris durant ce printemps, différents médiums (installations lumineuses, plastiques, etc.) sont mobilisés pour traiter des questions religieuses (la pensée magique, la fétichisation, la marchandise est l’opium du monde) et de « l’hybridation des cultures par le biais de la libre circulation des biens de consommation ».
Guillaume Paris interroge à la fois le statut de l’œuvre, particulièrement du ready-made, et le phénomène humain global.
Il propose une vision renouvelée, activiste, du « Je consomme donc je suis ». Quelle est la place du produit marchand quand celui-ci s’identifie avec l’humain devenu produit d’appel ?
Guillaume Paris
H.U.M.A.N.W.O.R.L.D. :
— We Are the World, 1998-2000. Installation vidéo interactive.
— We Are the Children, part 1, 2003. Vidéo.