Polystyrène, polymère, polyéthylène, jamais ces matériaux de l’industrie nouvelle n’auront eu droit à autant d’attention dans le monde de l’art. Réintégrés au premier plan dans l’exposition de Gyan Panchal à la galerie Edouard Manet, ces matériaux pauvres, à peine dégrossis, tout juste sortis de leur utilité première, s’imbriquent dans l’histoire de la matière.
Devenus sculptures, sujets de contemplation et de réflexion ces matériaux habituellement cachés, livrent alors leur part sensible et ignorée, font appel à la nature et à l’origine de toute chose.
Première salle, et première confrontation à la matière brute et à la raideur de ces pains de polystyrène imposants. Echo à la cimaise de la galerie, l’iceberg architecturé, composé de couches de polystyrène, pose déjà le cadre. Les matériaux seront singuliers, la démarche discursive et le résultat semble-t-il minimaliste.
Mais ce serait sans se pencher sur les détails qui affleurent sur chacune des cinq premières pièces présentées. Dans cette apparente géométrie, dans la banalité de cette matière sans valeur, s’affiche aussi l’intervention délicate et orchestrée de Gyan Panchal, la part d’humain dans ces blocs de pétrole arrangé.
En dessous de la toile tendue d’acétate de cellulose, dans laquelle est découpé un cercle, une rondelle de bois. Une ellipse dans le procédé de création de la matière, et voici réuni matière brute et dérivé industrielle, l’une dépendant toujours de l’autre.
Le geste de Gyan Panchal consiste à réunir ces éléments, matière première et objet manufacturé dont on oublierait parfois l’origine. Mais l’ellipse ne suffit pas encore pour faire comprendre tout ce long cheminement de transformation. L’huître, exposée en fond de salle, ne produit plus ici des perles mais directement des billes de polymère. La rencontre n’est pas fortuite, l’huître aussi révèle son processus de sédimentation sur sa coquille stratifiée.
Dans le travail de Gyan Panchal tout procède par strates, par couches, comme autant d’éléments marquants les étapes de création d’un objet naturel ou artificiel. Retour aux origines, avec ces gestes primitifs et simples, le temps est ici suspendu, difficile de savoir à quel moment de la chaîne de cette évolution se situer.
Édifice de synthèse, soigneusement découpé par la machine à polir ou volontairement fendu à la main pour laisser encore une fois une part d’humanité en toute chose. Carré de sac poubelle tenant par électricité statique au mur de la galerie, duquel semble se décrocher un de ces éléments. Mais c’est en fait une feuille de nori, algue naturelle, prédécoupée en bandelettes symétriques qui vient faire écho à son pendant synthétique.
Dans la dernière salle de l’exposition, quatre pièces concluent ce chemin dans l’histoire de la matière, chemin tout à la fois minimaliste et poétique où la part sensible de chaque chose est toujours convoquée face à la froideur de nos objets du quotidien. D’un côté une plaque de polystyrène jaune où est gravée la formule du nombre d’or, sur ce support d’isolation, une référence, comme un code barre, vient se confronter à ce nombre légendaire.
Point final de ce cheminement, une plaque de laine de verre au coin déchiré, voisine avec une écorce de bambou recourbée. Alchimie de nature et d’artifice où rien ne se confronte, où tout se déduit, dans une logique séculaire, où chaque étape apporte sa pierre à l’édifice.
Gyan Panchal
— Sans titre, 2008. Huître, granulés de polymère. 10 x 16 x 7 cm
— Sans titre, 2008. Acétate de cellulose, bois. 247 x 154 x 77 cm
— Sans titre, 2008. Polystyrène expansé. 238 x 120 x 60 cm
— Sans titre, 2008. Mousse polystyrène brûlée. 50 x 100 x 40 cm
— Sans titre, 2008. Silex sur papier de verre. 28 x 23 cm
— Sans titre, 2008. Polystyrène extrudé gravé. 125 x 120 cm
— Sans titre, 2008. Ecorce de bambou. 34 x 19 x 11 cm
— Sans titre, 2008. Huître sur papier de verre. diamètre 22,5 cm
— Sans titre, 2008. Laine de verre. 120 x 60 cm
— Sans titre, 2008. Polyéthylène, nori. 103,5 x 79 cm
— Sans titre, 2008. Polystyrène extrudé poncé. 240 x 120 x 60 cm