ART | EXPO

GuytonWalker

25 Juin - 25 Juil 2009
Vernissage le 25 Juin 2009

La force des pièces de GuytonWalker tient tant à leur puissance formelle propre, qu’à leur héritage assumé de l’usage des techniques d’impression et de manipulation de l’image et du recours aux grands formats dans l’art américain (de Rauschenberg et Warhol à Guyton et Walker, séparément).

GuytonWalker
GuytonWalker

La question se pose souvent de savoir comment le tube de dentifrice contient les rayures rouges. Sans pouvoir y répondre, finalement, nous admettons qu’il doit être disposé de telle sorte que la pâte soit toujours zébrée. Ce dentifrice existe avant notre salle de bain, chronologiquement, c’est aussi un objet publicitaire, reproduit, multiplié, affiché, placardé.

Il en va de même avec les pièces de GuytonWalker. Elles consistent en impressions (sérigraphies, impressions numériques) sur des supports de grand format allant du châssis au panneau de placoplâtre. Comme le disait le critique Vincent Pécoil des oeuvres de Wade Guyton, le terme de tableau convient mieux à celui de peinture.

Ces tableaux sont posés sur des pots de peinture recouverts d’impressions dont on devine qu’elle sont semblables à celles qui les composent. Le pot de peinture devient alors support au sens propre du terme du tableau, et le tableau est le support de la peinture à son tour. Par ailleurs, les pots de peinture s’amoncellent et remplissent à leur tour les espaces d’exposition.

Il en va de même pour ces pièces de GuytonWalker que pour notre tube de dentifrice domestique et sa médiatisation, mais sans les distances temporelles entre chacunes de ces opérations : les pots de peintures sont censés contenir les motifs imprimés dessus, et pas juste des couleurs.

Les motifs sont pourtant réalisés suite à nombre d’opérations requérant des outils (scan, photoshop, photocopie, impression numérique…) et des fonctions (détourage, superposition, déplacement…). Les documents originaux scannés sont identifiables… et variés : des fruits (kiwis, bananes, noix de coco, pommes, poires…), des reproduction d’œuvres (une sculpture de Fischli et Weiss), ou de publicités (pour des meubles danois, une compagnie d’avion suisse…).

Nous imaginons comment ces images sont produites, nous ne savons pas comment elles sont contenues dans les pots, ni comment elles sont appliquées sur différents supports : des toiles, de la paraffine, et, plus récemment, du placoplâtre. Leurs oeuvres valent presque comme leurs propres publicités, tant il est question de reproduction, multiplication, affichage, placardage.

C’est que, après le contenant des matières premières (le pot de peinture), le matériau de construction devient format et plus juste le support qu’il a toujours été pour construire les murs de nos habituels white cube. Ici, non, des murs sont recouverts puis le remplissent.

GuytonWalker n’est pas l’addition de Wade Guyton et Kelley Walker, mais la création d’une troisième identité artistique et créative, que marque le slash inversé entre leurs deux noms (qui n’est ni + ni /). En 2004, à l’occasion de l’invitation qui avait été originellement lancée à Wade Guyton par le Midway Contemporary Art à St Paul, Minneapolis, ce dernier invitait Kelley Walker, qu’il connaissait de longue date pour avoir partagé avec lui un atelier.

Depuis cette exposition intitulée « Xxxxx Bbb XxxxxFfffff Ffff », GuytonWalker a toujours revendiqué créer des « objets », non sans, dans son sillage, affoler les références et poncifs de l’art des 40 dernières années : pop, formalisme, appropriationnisme, techniques de reproduction, statut de l’image, question du support, du tableau, du format, de la collaboration entre artistes, et, finalement, de la peinture.

La force de leurs pièces tient tant à leur puissance formelle propre qu’à leur héritage assumé de l’usage des techniques d’impression et de manipulation de l’image et du recours aux grands formats dans l’art américain (de Rauschenberg et Warhol à Guyton et Walker, séparément).

Mais c’est alors d’un revers de main que toute idée de nostalgie se voit balayée (voir leur conversation avec Douglas Folge et John Rasmussen dans le catalogue The Failever of judgement publié par Jrp/Ringier à l’occasion de leur première exposition), et que l’idée de consommation est évoquée non pas au sens de la société de…, mais dans le sens de la digestion pour créer de l’énergie : « Eventually the fruit needs to be eaten and essentially destroyed to become useful » (p. 54, ibid.).

L’énergie, cette fois électrique passe aussi par les fruits – les noix de coco – qui composent des lustres imposants et tombant des plafonds. Cette même énergie que transmettent leurs expositions, généreuses et proliférantes, et dont le catalogue de leur exposition au Mambo liste les matériaux à l’instar d’une recette : « 20 châssis en trois formats, 2000 pots de peintures, 12 quintaux de peinture… » (voir guytonwalker, Skira/Mambo, p. 57).

Peut-être alors, plus qu’au modèle du dentifrice (qui en plus pourrait créer des confusions avec l’usage du dentifrice que fait Kelley Walker avec son scanner), faudrait-il recourir à celui de la recette, comme ensemble d’opérations à partir d’un certain nombre d’éléments de base donnés. Finalement, on ne sait pas vraiment non plus comment tous ces produits aboutissent aux plats servis. Ici, les ingrédients sont : peinture, pots de peinture, châssis, placoplâtre, images, motifs, la recette et sa médiatisation elle-même.

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Sarah Ihler-Meyer sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.

critique

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