Du deuil à la mélancolie, il n’y a souvent qu’un pas; qu’une tentation subtile d’accompagner dans son retrait celui qui n’est plus. A l’image d’Orphée voulant ramener à  la vie Eurydice, Erwin Olaf met en scène des personnages qui souffrent d’un manque et ne veulent pas s’en défaire.
Prisonniers d’espaces teintés de souvenirs, ils errent au hasard ou s’arrêtent comme happés par le vide. En eux, le temps et les rêves se sont suspendus. On pourrait croire qu’ils attendent, mais ce serait là se méprendre. Dans leur passivité morbide se cache en réalité une action : le combat inégal de leur moi contre l’ombre d’une tombe.
Les tics tacs de la pluie sur les carreaux d’une fenêtre. Le voile gris des rideaux entre leurs chambres et le ciel. Dans chaque élément du décors se réfléchit l’obsession qui les hante; la peste contagieuse qui les divise et les perd. Seuls, ils partagent pourtant quelque chose d’essentiel : la ressemblance parfaite de leurs peines.
Un même air contrit fixe leur visage; une même nostalgie abstraite les endeuille; A les regarder longuement on ne peut s’empêcher de voir en eux l’image parfaite de la victime innocente.
Ou bien peut-être est-ce nous qui cherchons à nous dérober en les pensant telles. Car après tout, elles peuvent tout aussi bien être coupables et porter l’entière responsabilité de leur mélancolie. De la mort qui nous frappe à l’acceptation de sa venue se tient le défi que lance la nature à notre désir : l’école des souffrances sans laquelle nous ne pourrions jamais devenir réfléchit.
La mort n’est pas seulement un évènement qui viendrait nous frapper de l’extérieur, mais une invitation à prendre au sérieux son enseignement. Comme l’écrit si simplement Kierkegaard, « La mort vaque à son oeuvre dans la vie; elle ne va pas à l’aventure comme s’imagine le craintif […]. Non; elle dit : Je suis là ; et si quelqu’un veut apprendre de moi, qu’il vienne» (Sur une tombe).
Voilà pourquoi les personnages d’Erwin Olaf, par-delà l’infini tristesse qui les caractérise, semblent aussi nous chuchoter à l’oreille un message renversé : et si derrière le sérieux de leur peine se cachait le sérieux véritable : l’effet que produit sur une âme le travail répété de la mort; non pas comme événement physique, mais comme transfiguration de la pensée.
Erwin Olaf
Portraits:
– Troy, 2007. Photographie.
– Irène, 2007. Photographie.
– Caroline, 2007. Photographie.
– Barbara, 2007. Photographie.
– Grace, 2007. Photographie.
– Margaret, 2007. Photographie.
– Sarah, 2007. Photographie.
– Victoria, 2007. Photographie.
Scènes :
– Troy, 2007. Photographie.
– Irène, 2007. Photographie.
– Caroline, 2007. Photographie.
– Barbara, 2007. Photographie.
– Grace, 2007. Photographie.
– Sarah, 2007. Photographie.
– Victoria, 2007. Photographie.