Ce qui frappe dans le travail de Dan Miller, c’est sa force d’expression, la vitalité du trait qui porte en lui une force brute. Il mêle les lettres et les chiffres en une multitude d’entrelacs à l’encre noire jusqu’à obtenir des magmas vibrants qui suggèrent l’énergie de la matière en mutation.
Ces signes sont liés à des noms d’objets, de villes ou de personnes qu’il inscrit sur le papier de manière obsessionnelle. Accumulant, couche après couche, les traits les uns au-dessus des autres, il les rend illisibles et nous fait chercher ailleurs le sens de ses dessins. Usant également de couleurs en peinture, crayon ou feutre, il enrichit et complexifie ses compositions, dans une recherche très plastique.
Atteint d’autisme profond, Dan Miller n’a pas de programme artistique et encore moins de discours sur son œuvre. Mais, comme beaucoup d’artistes, il a une obsession, pour lui c’est le signe typographique. Récemment, il a d’ailleurs débuté un nouveau travail avec une vieille machine à écrire grâce à laquelle il inscrit une suite de lettres dans un ordre contraint comme autant de signes d’un code secret qui nous met une fois de plus devant l’impossibilité de comprendre ou d’interpréter le signe sinon en laissant vagabonder notre esprit devant cette part de mystère.
Pour rejoindre la question d’un débat qui a eu lieu à la galerie fin 2011, l’art brut qui nous est présenté ici semble manifestement soluble dans l’art contemporain. On ne peut s’empêcher de penser à l’art de Cy Twombly ou de Pollock, surtout devant les grands formats d’environ 1,50 m sur 2,50 m, qui impressionnent par leur maîtrise de l’équilibre. Le MoMa de New York a d’ailleurs acquis une œuvre de Dan Miller en 2008. Finalement, Dan Miller n’est ni plus ni moins obsessionnel qu’un Roman Opalka qui pendant cinquante ans a peint, toujours sur un même format, en blanc sur fond noir, une suite sans fin de nombres qui se succèdent.
Mais il faut souligner que Dan Miller crée dans un contexte bien particulier. Depuis plus de quinze ans, il a intégré un centre de création artistique destiné aux déficients mentaux nommé le Creative Growth Art Center, situé à Oakland en Californie. Dans ce lieu, il dispose de tout le matériel et les outils nécessaires à sa créativité. Géré par des artistes, le modèle pourrait être celui d’une ruche où chacun développe sa pratique en fonction du médium qui lui correspond le plus. Nul ne peut savoir comment Dan Miller ressent et intègre ce contexte, dans quelle mesure son travail est enrichi par le regard de ceux qui l’entourent. Mais même s’il souffre d’un autisme profond qui l’empêche de communiquer avec son entourage, sa démarche créative ne peut qu’être galvanisée par cet environnement artistiquement stimulant.
Å’uvres
— Dan Miller, Sans titre (Rocket), 2010. Acrylique et encre sur papier. 56 x 76 cm
— Dan Miller, Sans titre, 2010. Acrylique et encre sur papier. 56 x 76 cm
— Dan Miller, Sans titre, non daté. Acrylique et encre sur papier. 56 x 76 cm
— Dan Miller, Sans titre, non daté. Encre sur papier. 56 x 76 cm