Caecilia Tripp
Going Space
Caecilia Tripp s’intéresse à la question de la construction, de la fluidité et du dépassement des identités. Influencé par «the play of the trickster» — soit une forme de résistance par la ruse, à l’œuvre dans des rituels collectifs, moyens de transgression des frontières sociales et culturelles — son travail est empreint de codes tels le détournement, le déguisement, la réinterprétation et le reenactement.
En quête d’espaces d’invention qui permettent de déterritorialiser les identités, elle inscrit son travail dans un contexte historique mouvant, à la croisée de la globalisation et de nos imaginaires sociaux. Poètes, chorégraphes, musiciens, philosophes, historiens, «voleurs du jour», physiciens et astronomes sont les protagonistes, ou compagnons de processus participatifs qu’elle a menés entre Paris, Bombay, Dakar, New York et les Caraïbes.
En 2004, invitée en résidence au MoMA PS1 (NY), elle réalise The Making Of Americans, une interprétation libre du roman éponyme de Gertrude Stein (écrit en 1903-11, et publié en 1925) qui narre de manière non linéaire la généalogie et la diversité de la culture américaine, à travers le récit d’une famille sur trois générations. Le film, tourné comme une longue séquence d’une nuit à New York, joue sur les principes de dualité et de répétition: l’on oscille entre les scènes lumineuses à l’intérieur du mythique Apollo Theater (salle de spectacle du quartier de Harlem) et les scènes urbaines tournées depuis une limousine traversant le pont de Brooklyn, Times Square, Ground Zero…
«Anyone is one» scande inlassablement la voix-off, rythmant les apparitions et le jeu d’aller-retours des personnages: des sœurs jumelles, un magicien et sa marionnette, la rappeuse américaine Jean Grae ou encore un slameur incarnant un poète prêcheur de rue. Tel un opéra — la bande-son est assurée par DJ Spooky qui remixe et sample des extraits du roman — elle amplifie l’œuvre de Gertrude Stein par la juxtaposition des sons et des images, le croisement de la «high culture» et de la culture vernaculaire, conférant à ce texte fondateur une réelle portée allégorique.
A travers des installations filmiques et sonores, des photographies, sculptures et performances, «Going Space» invite le visiteur au fil d’une géographie fluide dans des espaces migratoires, et fait résonner notre mondialité (E. Glissant) à l’échelle du cosmos. Sous la forme d’une archive vivante de nos luttes, l’exposition célèbre nos rêves collectifs d’un avenir partagé.
Parmi ses séries emblématiques, Caecilia Tripp réalise depuis 2011 une série de «portraits»: Sleeping With Books. Chaque photographie montre un ou plusieurs livres d’auteurs majeurs, notamment des années 1960 — The Fire Next Time de James Baldwin, If They Come in the Morning:Voices of Resistance d’Angela Davis… — abandonnés aux mains d’un lecteur endormi, absorbé par sa lecture. Lutte pour l’égalité des droits civils, liberté et anarchie sont les thématiques développées dans ces ouvrages historiques, qui semblent nourrir et inspirer leur sommeil, rappelant le caractère contemporain de cet héritage militant.
Au centre de l’exposition, l’œuvre Scoring the Black Hole est «une célébration de nos liens invisibles à travers une chorégraphie dont la partition se trace sur une toile noire, et une composition musicale cosmique de nos échos irréversibles» (Caecilia Tripp).
Claire Le Restif
Evenement
Mercredi 13 janvier 2016 à partir de 18h30, performance à 19h30 (durée 30 mn). Visite en avant-première de l’exposition «Going Space» de Caecilia Tripp, avec la performance inaugurale Scoring The Black Hole.