C’est peut-être parce que le réel ne cesse de nous fuir que les artistes contemporains n’en finissent pas de le représenter, de le documenter, de le présenter — au sens fort du terme — et de le mesurer. En un mot, de le re-matérialiser.
En effet, « Global Navigation System » présent, avec succès, la manière dont vingt-cinq artistes et collectifs saisissent la donnée géographique : voici donc la terre vue de l’artiste. Cela donne lieu à des œuvres qui atteignent toutes une dimension ethnographique, voire scientifique. La rigueur est ici de mise.
La carte démontre sa pertinence face à la nécessité d’identifier les données géographiques selon telle ou telle catégorie. La cartographie se fait taxinomie. Témoignent de cet attrait pour la carte comme forme artistique les travaux de Alighiero Boetti ou de Nelson Leirner que l’on a pu voir à ArtBasel 34.
À côté des cartes (Henrik Olesen, Aleksandra Mir, Ocean Earth, Kirsten Pieroth, Pierre Joseph), on peut découvrir — et presque étudier — des tableaux et des graphiques (Mark Lombardi, Sean Snyder), des installations (Marjetica Potrc, Simon Starling), des photographies, des œuvres plastiques (Nathan Carter, Matthew Ritchie), des vidéos (John Menick) et des projets (Stalker, Laura Horelli). Autant de médiums qui disent le monde réel et en agrandissent des parts de réalité.
Seul Wim Delvoye propose, avec Atlas 1-9 (2003), une série de neuf cibachromes, un univers investi de sa seule perception: une fantasmagorie enfantine entre ludisme et mélancolie. Il s’agit plus d’un travail sur des méta-réalités personnelles — comment l’artiste s’empare-t-il du monde ? Que choisit-il d’en montrer ? — que de simples entreprises réflexives. « GNS » expose des points de vue, résultats de zooms artistiques.
Il est beaucoup question de tracé (Nathan Carter), surtout dans des travaux où l’abstraction (Julie Mehretu) semble « réaliser » la vision de l’artiste. Et de la ligne, qu’elle soit frontière ou flèche (Thomas Hirschhorn, Mark Lombardi).
La flèche s’avère être l’outil privilégié pour dire les flux du monde contemporain. Elle crée le lien et le rend logique : de cette logique que la cartographie, autopsie mondialisée, place au cœur de ses enjeux. Enfin, la trace (Laura Horelli) vient répondre à la volonté de ne pas être dupe.
Commissaire d’une exposition nécessairement protéiforme, Nicolas Bourriaud considère (lire dans le catalogue : « Topocritique : l’art contemporain et l’investigation géographique ») un type d’activité créatrice pour laquelle prévalent le lieu d’où l’on s’exprime, l’endroit d’où l’on répond, et les incarnations de cette réponse.
Dans ce cas, l’art contemporain devient une sorte de « zone offshore » d’où s’exerce un regard autonome, à la fois dans et hors du monde. Et le monde n’est plus le matériau artistique des tenants du Land Art et des Earth Works, ni l’espace sublime des Romantiques.
Pour « GNS », les hommes évoluent désormais dans un espace et durée de production de relations et d’enjeux, interfaces de prise de conscience et de prise en charge.
« Global Navigation System » est une exposition collective de vingt-trois artistes et groupes d’artistes internationaux, auxquels s’ajoute le Pavillon, l’unité pédagogique du Palais de Tokyo :
Franz Ackermann
— Permanent Arrival, 2, 2003. Huile sur toile. 270 x 542 cm.
— Permanent Arrival, Ibn Batouta, 2003. Matériaux divers. 200 x 300 x 300 cm.
Nathan Carter
— I’m Trying to Read the Road Signs But They Keep Changing Languages… Looks Dodgy Around Here, 2003. Bois peint, encre et crayon. 310 x 160 cm.
— I Think We’re in Northern Beijing. Where’s the Binoculars?, 2003. Bois peint, encre et crayon. 360 x 160 cm.
— The Border Patrol Never Let Us Across in This State. Let’s Stop Here and Have Another 1664, 2003. Bois peint, encre et crayon. 270 x 170 cm.
Wim Delvoye
— Atlas, 2003. 9 cibachromes sur aluminium. 123 x 190 cm chaque.
Dominique Gonzalez-Foerster
— Vidéo, résultat de son intervention du mercredi 25 juin à 20h30.
Thomas Hirschhorn
— Plan-moi, 2003. Collage sur carton, technique mixte. 215 x 300 cm.
Laura Horelli
— Helsinki Shipyard/Port of San Juan, 2002/2003. Vidéo, 13’.
Pierre Huyghe
— Vidéo, résultat de son intervention du mercredi 18 juin à 20h30.
Pierre Joseph
— Mon plan du métro de Paris, 2000. Impression numérique contrecollée sur aluminium. 135 x 170 cm.
Jakob Kolding
— Plans as Patterns of Routinized Activities, 2003. Collage et dessin sur papier. 72 x 110 cm.
— Effects of Urban Commitees Renewals on Building and Open Spaces, 2003. Collage et dessin sur papier. 72 x 110 cm.
— Restructuration of Public and Private Spaces/Spatial Planning and Local Activities, 2003. Collage et dessin sur papier. 72 x 110 cm.
— Untitled, 2003. Collage sur papier. 70 x 105 cm.
— Untitled, 2003. Collage sur papier. 70 x 105 cm.
— Untitled, 2003. Collage sur papier. 70 x 105 cm.
Matthieu Laurette
— For Your Information (Citizenship Project), 2003. Technique mixte. Dimensions variables.
Mark Lombardi
— Industrias Carlos Cardoen of Santiago, Chile, c. 1982-1990, 2nde version, 2000. Crayon sur papier. 45,70 x 61 cm.
— Banca Nazionale del Lavoro, Reagon, Bush, Thatcher and the Arming of Iraq, c. 1979-1990, 2nde version, 1995. Crayon sur papier. 76 x 153 cm.
Julie Mehretu
— Untitled, 2001. Encre et acrylique sur toile. Diptyque : 183 x 244 cm chaque panneau.
John Menick
— The Disappearance, 2001/2002. Vidéo, 7’ en boucle.
Aleksandra Mir
— Naming Tokyo, 2003. Impression sur papier. 70x 100 cm.
Ocean Earth
— Bassin du Golfe Persique, bassin de la mer Morte et trois bassins secondaires du Grand Bassin (en comparaison avec le bassin de la mer Morte). Plans de l’action incluant les quatre projets d’earthworks pour la vallée de la rivière, 2002. Installation. Dimensions variables.
Henrik Olesen
— Homosexual Rights around the World, 2003. Affiche. Dimensions variables.
— Homosexual Rights around the World, 2003. Affiche. Dimensions variables.
— Location of the 472 Global Billionaires, 2003. Affiche. Dimensions variables.
— The Total 472 Billionaires of the World, 2003. Affiche. Dimensions variables.
Kirsten Pieroth
— Letter to Berlin, 2003. Performance, documentation, technique mixte, 29 avril 2003.
— Map of the World, 2003. Impression sur papier. 134 x 210 cm.
— The Colours of the Sea, 2002. Bouteilles en plastique, eau de mer. Dimensions variables.
Marjetica Potrc
— Caracas, Growing House, 2003. Matériaux de construction.
Matthew Ritchie
— When I’m Coming From, 2003. Huile et marqueur sur toile. 251,50 x 307,30 cm.
— Experienced Time, 2003. Émail sur sintra. 218,50 x 792,50 cm
— Coffin Weather, 2003. Vinyl.
Pia Rönicke
— Urban Fiction, 2003. Posters, vidéo de 16’ 40’’.
Sean Snyder
— Untitled, 7 Points of Reference along the Modernization Process of Mexico City, 2003. Affiche.
Stalker
— Along Egnatia, A Path of Displaced Memories, 2003. Projet de l’Observatoire Nomade.
Simon Starling
— Heinzmann, uni-solar, Trek, 1999. Bicyclette. Dimensions variables.
Le Pavillon est composé de Quentin Armand, Adriana Lara Dominguez, Rafael Lain, Angela Detanico, Johann Van Aerden, Lucas Mancione, Nicolas Milhé, Andreas Fogarasi, Jiri Skala, Gabriela Vanga, Emilie Renard accompagnés de Christelle Lheureux, Ange Leccia et Christian Merliot. Le laboratoire de recherche artistique a élaboré une proposition collective et des projets communs dont :
Quentin Armand
— The survival Guide to Boat-People, 2003. Vidéo, installation et guide. Projet réalisé avec Clôde Coulpier et Alexandre Ouairy.
— Grand centre-ville, 2003. Installation de ventilateurs. Dimansions variables.
Angela Detanico & Rafael Lain
— Utopia, 2003. Vidéo de 1’50.
Andreas Fogarasi
— A ist der Name für ein Modell, 2003. Installation. Dimensions variables.
Adriana Lara
— IDeas, 2003. Projet et correspondance. Dimensions variables.
— Maquette d’exposition 1 ;1, 2003. 8 panneaux de bois. 120 x 100 cm.
Lucas Mancione
— Les vues de vues d’avion, 2003. Vidéo, 2’ en boucle.
— Jardin Musical, 2003. Installation de boîtiers de mini-discs et papier calque. Dimensions variables.
Nicolas Milhé
— Paradis, 2003. Tirage sur aluminium. 120 x 120 cm.