Carl André, Josh Blackwell, Marc Camille Chaimowicz, Dan Coopey, Eddie Peake, Oscar Murillo, Anthea Hamilton
Glaze
L’exposition comprend les œuvres de:
Am Nuden Da, Carl André, Josh Blackwell, Marc Camille Chaimowicz, Dan Coopey, Edward Cotterill, Timothy Davies, Nicolas Deshayes, Tomas Downes, David Douard, Luca Francesconi, Ryan Gander, Anthea Hamilton, James Iveson, Kate Owens, Sara Mackillop, Helen Marten, Ruairiadh Oconnell, Oscar Murillo, Aude Pariset, Eddie Peake, David Renggli Patrick Saytour, Daniel Sinsel, Matthew Smith, Bevis Martin et Charlie Youle, Claude Viallat.
«Les utopies, ce sont les emplacements sans lieu réel. Ce sont les emplacements qui entretiennent avec l’espace réel de la société un rapport général d’analogie directe ou inversée. C’est la société elle-même perfectionnée ou c’est l’envers de la société, mais, de toute façon, ces utopies sont des espaces qui sont fondamentalement essentiellement irréels.»
Michel Foucault, Des Espaces Autres, 1967.
«Glaze» explore l’influence du contexte physique et architectural sur les œuvres d’art et sur la manière dont chaque artiste peut façonner un environnement qui lui est propre à travers sa création. Si ces contextes peuvent être effectivement perçus comme un «vernis» à travers lequel nous percevons les œuvres, le titre «Glaze» souligne également l’attention prêtée aux détails de la surface, au décor, à la patine. Chaque œuvre se confronte physiquement à l’espace de la galerie; les murs seront directement peints, les objets seront confrontés les uns aux autres, mais également avec chaque surface: sol, murs et plafond seront exploités. Trouvant sa place quelque part entre les principes sur l’Hétérotopie de Foucault et la pensée minimaliste, «Glaze» propose de s’interroger sur les sphères de l’espace «utile» — privé, public, social et culturel — lorsque l’objet se soustrait à sa fonctionnalité première par l’intervention de l’artiste.
S’inscrivant dans la lignée des idées explorées par les artistes minimalistes des années 60, «Glaze» s’ancre conceptuellement à travers une sculpture au sol de Carl André qui, fabriquée industriellement par une presse à métaux et délibérément placée à même le sol — et donc désacralisée —, réactualise de manière significative la question de la nature hiérarchique des objets d’art. Ce geste simple définit une manière de pensée spécifique et référencée, que tous les artistes présents dans «Glaze» explorent sous différents axes, à travers leurs pratiques respectives.
Ce second volet de l’exposition s’appuie sur les idées abordées dans la première édition, et va au-delà d’une recherche analytique du contexte de la galerie pour soulever des questions sur le mode de vie et la fonctionnalité de l’œuvre d’art: qu’attendons-nous d’une œuvre d’art et quel rôle peut elle jouer dans notre vie quotidienne? La galerie devient le terrain de jeu de ces concepts et est perçue par le curateur comme un espace défini par nos besoins: l’espace domestique devient le point de référence symbolique à partir duquel les œuvres sont présentées.
La coiffeuse de Marc Camille Chaimowicz (Coiffeuse (peut-être pour adolescent), 2008) indique un changement de direction dans les préoccupations de l’exposition en même temps qu’elle contribue à son orientation esthétique. A la fois objet fonctionnel, domestique, et œuvre d’art, cette construction hybride aux formes singulières se distingue sensiblement dans l’espace, déjouant l’attention des visiteurs sur les œuvres environnantes et complexifiant leur appréhension. Chacune à sa manière, la pièce de Marc Camille Chaimowicz et la sculpture de Carl André (Glarus Brass 11 rectangle Row, 2007) abordent la notion d’objet d’art à la fois dans un contexte domestique et institutionnel et, au-delà de leurs différences formelles, engagent un questionnement sur la hiérarchie et le statut des objets.
Le mobilier est un thème particulièrement récurant dans cette nouvelle édition de «Glaze» et témoigne d’une tentative d’ancrer l’exposition dans le quotidien. La Leg Chair d’Anthea Hamilton (Room with a view, 2009) entretient une relation directe avec la commode de Marc Camille Chaimowicz. Bien que l’apparente fonctionnalité de cette pièce soit plus radicale, elle laisse néanmoins chez le visiteur subsister des questions quant à son statut. L’œuvre consiste en une chaise réalisée à partir d’une paire de jambes en plexiglass modelées sur celles de l’artiste, et invitant curieusement le visiteur à «activer» l’œuvre. L’intimité de cette pièce déplace alors avec ironie l’attention sur le visiteur lui-même.
Les toiles libres des artistes Support-Surface Partick Saytour et Claude Viallat (Pliage Rayé, 1969 et Sans Titre, 1976) ne sont pas seulement présentes dans l’exposition, mais couvrent les cimaises de la galerie — un moyen pour George Henry Longly de répondre physiquement à l’espace — à travers l’utilisation audacieuse de motifs récurrents. George Henry Longly invoque ici la philosophie de Support-Surface, dont les pratiques ne se caractérisent pas par une esthétique particulière, mais plutôt par l’idée d’une abolition de la hiérarchie entre les matériaux, le geste créatif et la finalité de l’œuvre, une approche simplifiée de la création assumant ses références à l’esthétique postmoderne.
L’exposition est donc une recherche sur la perception de l’œuvre par l’intermédiaire de sa surface. «Glaze» s’émancipe ainsi de tout thème prédominant, en soulevant une série de questions et de préoccupations étroitement liées. Les œuvres réunies ici, tout en conservant chacune leur autonomie, permettent dans leur juxtaposition d’ouvrir une dimension nouvelle, voire inattendue.