La galerie est comme vide. Trois pièces, en tout et pour tout, s’y tiennent, s’y fondent, respirent, et bruissent. Pour qui sait voir, et entendre. Autour d’un socle de marbre diaphane, légèrement veiné de gris, des pièces rectangulaires de soie blanche sont tendues, et juxtaposées bord à bord, sur toute la hauteur du mur. Un essaim noir assourdissant emplit cet espace céleste. À dire vrai, point d’hyménoptères bourdonnants, mais des nuées d’épines d’acacia, des plus sombres, et des plus grosses, démultipliées par l’éclairage, plantées là , agglutinées et dispersées, tous dards dehors. À ne pas s’y frotter.
Sur un mur adjacent, discrète, une pièce de cuir ocre rouge, parsemée, elle, de piqûres noircies, se plisse, comme un étendard dans les claquements du vent, sur la hampe grossière, et précieuse, que fait une branche à peine élaguée, et fossilisée dans le bronze. Une feuille d’or, finement striée, y est légèrement suspendue, prête à virevolter.
Non loin, un entremêlement de feuilles aux couleurs mordorées de l’automne se dresse, soutenu par des branchages enchevêtrés. Sous l’effet d’un autre souffle magique, s’y imprime la forme équivoque d’une figure humaine, qui, en creux, suggère tout aussi bien un sexe féminin. Une pièce éblouissante. Toute de fragilité inaltérable, alliant la précarité d’une construction végétale à l’éternité du bronze, dont la patine, dit l’artiste, « n’est ni rouille ni couleur mais […] suinte du métal avec la même fraîcheur naturelle que les verts, les gris, les rouges des mousses et des feuillages de la forêt ».
Si Giuseppe Penone, sous la bannière de l’Arte Povera, rejetait l’artificialité d’un monde consumériste qui coupe l’homme de sa naturalité, ses matériaux et techniques n’en sont pas moins nobles et sophistiqués. Au service d’une sculpture improbable, celle de l’impalpable et de l’invisible : vent, souffle, son, et principes de vie. Une œuvre dont le raffinement se tient désormais, avec toute la grâce du risque, sur le fil du rasoir entre maniérisme et sublime.
Giuseppe Penone
— Respirare l’ombra, 1999. Bronze. 184 x 100 x 200 cm.
— Pelle di Marmo su Spine d’Acacia, 2001. Marbre de Carrare, épines d’acacia, soie. 400 x 360 cm.
— Sans titre, 2001. Cuir, bronze, or. 200 x 100 x 6 cm.