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Giuseppe Gabellone

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Un tableau éclairé par une armada d’ampoules, deux sculptures miroirs en forme d’antennes d’insecte. Autant de propositions portées sur le thème de l’éclatement et de l’observation du monde. Giuseppe Gabellone sonde pour nous ce qui nous est proche. Son filtre est un kaléidoscope qui fragmente le monde en pièces de puzzle.

Les sculptures de Gabellone sont toujours des propositions uniques. Ses constructions sont des réponses spécifiques à des questions précises. Travaillant sans diktats ni contraintes, il aborde ses travaux au cas par cas. Agissant sans dogmatisme, il tisse son canevas avec patience et pragmatisme. Difficile de reconnaître dans chaque pièce la main du jeune artiste italien. Le public parisien a déjà pu découvrir des fresques, des bas-reliefs végétaux ou des sculptures florales en bois. Éclectisme donc. Son champ d’investigation est aussi vaste que varié. Le renouvellement est le maître mot de son système créatif basé sur l’observation.

Pour la rentrée de septembre deux travaux sont présentés. Autant dire qu’ils ouvrent deux perspectives: d’une part un tableau mural éclairé par un plafonnier remplie d’ampoules, de l’autre deux miroirs-sculptures aux multiples facettes. Dans les deux cas l’esthétique de la boule-à-disco semble avoir été convoquée. Pour les deux types de réalisation, la réflexion se porte sur la diffraction des formes et des objets. L’éclatement semble être la notion la plus pertinente qu’utilise l’artiste pour parler de notre monde multiple et étiolé par toutes sortes de tensions.

La toile accrochée au mur sert de cibles à plusieurs diodes chercheuses. La scène peinte est touristiquement banale, elle présente des flamants roses pataugeant dans la mare d’un zoo. Leur plumage est criblé de cercles lumineux. La surface du tableau laisse apparaître un faisceau de points brillants. Le tramage lumineux se calque comme une seconde peau et use lux et kilowatts pour tatouer l’image. Rideau de théâtre, spectre lumineux, camouflage de néons. L’impact des spots donne un rendu proche de celui d’un imprimé. Comme les mauvaises reproductions des journaux, la toile résonne étonnamment, son bruissement marie ondes lumineuses et peinture colorée. Le mariage des deux tisse un tramage particulier. Les deux rectangles se répondent en se superposant l’un sur l’autre. La grenaille lumineuse s’abat sur la toile et la perce de mille impacts rosâtres. Crachant ses cercles lumineux, l’abat-jour, en forme de lampe médicale pour bloc opératoire, tente de radioscoper l’essence même de la peinture. Gabellone plonge à l’intérieur de la matière pour en explorer et en exploiter tous les contours.

Après la peinture aux mille ampoules, les sculptures aux mille facettes. Le même travail d’approfondissement et d’éclatement se retrouve dans ces miroirs ébranlés. Le long du mur des formes pointues, pareilles à des antennes d’insecte, descendent et dressent leurs pointes.

Ces sabres claires, aux nombreux contours, sont des serpents qui s’immiscent dans la pièce et prennent soin de maintenir le spectateur à distance. Hallebarde en branle, épée de Damoclès suspendue, ces pièces d’orfèvrerie sont des boucliers d’airain, polies à l’extrême, qui réfléchissent la salle d’exposition. Les écailles du miroir proposent au regard autant de facettes que d’angles différents. L’exploration passe par une multiplication des points de vue. L’expérience consiste à suivre à la trace ces boas carénés comme les navires de guerre furtifs. Mais loin d’être invisibles aux yeux des radars, ces diadèmes, mi-insectes mi-diamants, se donnent à voir en s’abandonnant dans des postures étirées.

Ces antennes réverbèrent la lumière et se transforment en astre tout puissant et aiguillent notre sens de l’observation, à la manière des machines de surveillance inventées pour les prisons du 19ème siècles. Les fameux panoptiques permettaient à un seul gardien d’observer toutes les cellules disposées en ruche d’un seul regard. Il embrassait d’un tour de tête tous les détenus sans être vu. De la même manière les stalactites miroiriques observent et réfléchissent leur environnement, à la manière des tours de verre. Vitres sans tain, reflets glacés, la ville s’échoue sur ces falaises d’un nouveau genre, centre financier monopolisant le pouvoir économique. Tous ces aspects sont présents dans les intentions de l’artiste, ils lui permettent de continuer ses recherches sur l’observation.

Giuseppe Gabellone
Untitled, 2006. Miroirs, bois. 160 x 125 x 115 cm.
Untilted, 2006. Impression numérique, structure en acier, Led, lentilles de verre. 181 x 203 cm + 145 x 35 cm.

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