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Gina Pane

Un petit livre pour suivre le parcours de Gina Pane, qui se feuillette comme un bréviaire à la mémoire de son œuvre. Croquis, esquisses, dessins préparatoires à ses actions artistiques, sont complétés d’un essai très instructif sur les pratiques — parfois insoutenables — de l’artiste.

— Éditeurs : Réunion des musées nationaux, Paris / Musée des Beaux-Arts de la Ville de Nancy, Nancy
— Collection : reConnaître
— Année : 2002
— Format : 23,50 x 15 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 64
— Langue : français
— ISBN : 2-7118-4269-X
— Prix : 12 €

Les dessins
par Blandine Chavanne (extrait, pp. 20-24)

Tout au long de sa carrière, Gina Pane n’a cessé de remplir des carnets de croquis, des pages de cahier. Le crayon, le bic, le feutre, le stylo sont des accessoires indispensables au développement de sa pensée, à l’élaboration de son art. Comme beaucoup d’artistes, Gina Pane a pratiqué le dessin à l’École des Beaux-Arts de Paris, durant ses années de formation au début des années 1960. Le dessin académique, à partir d’un modèle, place Gina Pane comme spectateur du corps, position que très vite l’artiste va transformer en proposant de devenir elle-même le modèle, plaçant le spectateur dans une position plus active en le plongeant au cœur même de son intervention. Le travail dessiné devient alors moins traditionnel et emprunte à la littérature les différentes typologies de textes qui accompagnent la gestation d’une œuvre. À la manière de notes jetées sur le papier, Gina Pane couvre d’innombrables carnets de petits dessins, de mots, de phrases. Ces ébauches sont ensuite développées dans les dessins préparatoires et synopsis des installations, actions ou partitions. Enfin, quelques œuvres plus monumentales sont conçues pendant les actions, participant ainsi directement à la mise en image des concepts que Gina entend développer.

Carnets de croquis
Travailleuse acharnée, Gina Pane semble avoir eu sur elle en permanence de quoi noter, dessiner, écrire. Journal de bord, ces carnets ou cahiers regroupent des notes de lecture, des croquis, des premiers jets de projets, des impressions, des pensées, des fragments de poèmes, etc. L’artiste, dont la langue maternelle est l’italien, mêle fréquemment le français et l’italien.
« Dans ses dessins, l’œuvre est encore à l’état de projet, en attente de matérialisation… et pourtant l’inscription de ce qui est… était… pour elle à dire, à faire entendre, y est déjà aboutie, déborde de sens par delà la ténuité de cette expression primordiale. » [Michel Baudson, « Une bouche de mémoire », cat. Gina Pane, Troyes, Corbeil-Essonnes, Clisson, 1990, p. 21]
Dessins et notes se succèdent au gré des activités de l’artiste. En effet, dans le fonds conservé dans la succession de l’artiste, de très nombreux documents permettent de suivre le cheminement de l’élaboration de l’œuvre. Cependant ces documents sont dispersés sur plusieurs carnets ou sur des feuilles volantes. Leur datation est extrêmement difficile lorsque aucune œuvre précise ne peut être rapprochée de ces travaux de recherche.

Le dessin dans la nature
À la fin des années 1960, Gina Pane réalise plusieurs actions dans la nature. Pour certaines, elle utilise le sol comme une feuille de papier. Dans Presque cercle, (Ury, 1968), elle écrit avec son corps en laissant de légères traces de pas qu’elle enregistre au moyen de la photographie. L’empreinte de ses plantes de pied dans le sol peut être comparée à celles que laisse le cuivre sur une feuille de papier après le passage sous la presse.
En modelant le sol et en déplaçant des pierres pour le titre Terre protégée III (1970), l’artiste écrit et met directement en page l’énoncée simple et explicite de son thème de travail, mêlant ainsi objet et sujet. Cette inscription titrait également une œuvre très symbolique, Terre protégée I (1968) où l’artiste avait disposé dans la nature, de façon ordonnée en fonction des points cardinaux, des graines dans des sachets placés dans cent vingt structures de bois sur des sachets de graines.
Enfin, dans une action que Gina Pane qualifie elle-même d’« acte raisonnable, ennuyeux, autocritique », l’artiste jette quatre dessins dans le torrent de Chisone, près de Turin, dans le courant en direction de la mer. Le constat de cette action [constat reproduit dans le cat. Gina Pane, Troyes, Corbeil-Essonnes, Clisson, 1990, p. 13], réalisée en 1969, nous permet de découvrir le soin avec lequel l’artiste met en scène son propre travail. Le geste d’abandon de la feuille est précisément saisi et les feuilles flottant au fil de l’eau, alors que le dessin se dissout et disparaît, soulignent la caractère fragile et éphémère du dessin.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions de la Réunion des musées nationaux)

L’artiste
Gina Pane, d’origine italienne, née à Biarritz, suit les cours de l’École nationale des Beaux-Arts de Paris et de l’Atelier d’Art sacré de 1961 à 1963. Elle enseigne la peinture à l’École des Beaux-Arts du Mans de 1975 à 1990. En 1978, elle crée et anime un atelier de performance au Centre Georges Pompidou. Elle décède à Paris en mars 1990.

L’auteur
Blandine Chavanne est conservateur en chef au musée des Beaux-Arts de Nancy.

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