Présentation
Andrea Bellini
Gianni Piacentino
Cette première monographie rend hommage à Gianni Piacentino, artiste autodidacte parmi les plus singuliers de la seconde moitié du XXe siècle, protagoniste de la première période de l’Arte Povera, précurseur du minimalisme en Italie (parallèlement, designer de motos de compétition et pilote), auteur d’une œuvre inclassable dont le vocabulaire original explore les limites et la complexité des rapports entre art et design industriel.
L’artiste s’est formé dans la Turin du milieu des années 1960, à l’époque où émergeait l’Arte Povera. Il a participé aux premières expositions du mouvement, celle de 1966 à la galerie turinoise d’Enzo Sperone et surtout «Arte Povera più Azioni Povere» dans les anciens arsenaux d’Amalfi en 1968, puis à l’exposition «Prospect ’68» à la Kunsthalle de Düsseldorf.
Entre 1965 et 1968, il ouvre la voie du minimalisme en Italie — en même temps et indépendamment, non à la suite, du minimalisme américain de Donald Judd, Sol Lewitt, Robert Morris ou John McCracken.
Piacentino s’impose aujourd’hui comme une figure d’actualité grâce à un imaginaire individuel et visionnaire, dont l’art réside dans le faire. Sa couleur est matérielle, physique, ce sont des vernis qu’il sélectionne, teste et teste encore jusqu’à trouver la teinte exacte correspondant à l’effet optique (et tactile) voulu, ces sont des vernis qu’il superpose.
Au-delà du plaisir des matériaux, Gianni Piacentino est animé par l’amour des objets. Les symboles géométriques de ses premiers travaux sont remplacés par les objets du quotidien, et à la fin des années 1960, ses sculptures minimalistes célèbrent de plus en plus le dynamisme des machines, le mythe de la vitesse, des moteurs et du mouvement: «véhicules» et «ailes» témoignent de sa passion pour «L’esthétique de la technique» qui deviendra sa marque de fabrique.
Gianni Piacentino est un artiste et un constructeur: ses travaux sont à la fois des objets, voire des prototypes, et des représentations métaphoriques de l’objet devenu symbole.
«Ce qui frappe dans son travail, ce n’est pas tant le minimalisme précoce que la force de synthèse qui fait de la forme minimale une forme extrêmement compacte. Et si l’on peut parler de minimalisme, c’est un minimalisme plus proche de celui de John McCracken que de celui de Donald Judd. Les objets de Gianni Piacentino sont des objets non utilitaires, mais réalisés exactement comme s’ils l’étaient. C’est dans cette aporie que réside le sens d’une œuvre qui résiste à l’interprétation et se pose comme objet muet (pour utiliser les termes de Douglas Crimp). «Piacentino donne naissance à un soupçon constant, il construit des poteaux, des tables, des châssis, des coiffeuses et d’autre structures de type “design” qui ne sont pas telles» écrit Tommaso Trini, «les sculptures de Piacentino brisent la division, avec le soupçon de leur image et leur fonction ambiguë, elles renvoient de l’art à l’esthétique industrielle et vice versa ». Saul Ostrow écrit: «Avec anticipation, en coupant à travers cette ligne de démarcation, Piacentino pose explicitement les questions de la fonctionnalité, de la paternité artistique et de l’objet d’une manière que les artistes n’utiliseront pas avant les années 1990.»
Laura Cherubini
Avec les textes de: Andrea Bellini, Dan Cameron, Laura Cherubini, Christophe Khim, Hans Ulrich Obrist, Marc-Olivier Wahler.
Sommaire
— Cosmogonies mécaniques, Andrea Bellini
— Gianni Piacentino, Une pensée très abstraite et une action très concrète, Laura Cherubini
— Voyageur du temps, Dan Cameron
— Vitesse de libération, Marc-Olivier Wahler
— Esthétique et aérodynamique, Christophe Kihm
— Entretien de Hans-Ulrich Obrist avec Gianni Piacentino
— Œuvres
— Chronologie, Marianna Vecellio