Communiqué de presse
Reynald Drouhin
Ghost Walk
Dans beaucoup de récits de science fiction, les virus informatiques et les hackers ont pris le contrôle de la société. La capture des présences fantomatiques ou des « ghosts » des internautes est au fondement du travail de Reynald Drouhin, qui a donné naissance à une mégalopole imaginaire nommée I.P.C. (Internet Protocol City).
Générateur de villes fantômes qui transforme l’adresse IP des internautes en buildings monochromes, I.P.C. est davantage un archipel numérique qu’une cité. Les différentes visualisations d’ I.P.C. correspondent aux 256 dernières connexions enregistrées. Des internautes du monde entier cohabitent dans ce cyberterritoire sans le savoir : leurs n° IP les situent en Corée, en Chine, aux Etats-Unis, en Australie, etc.
En se connectant sur le site « IP Monochrome », chaque internaute peut créer un monochrome numérique grâce aux données contenues dans son adresse IP. Ces fragments de monochromes numériques constituent des mosaïques multicolores qui se développent dans la maille du réseau et générent en temps réel couleurs et architectures des buiding d’I.P.C.
En construisant une cité fantôme, l’artiste capture ce qui est éphémère et impalpable, une action aussi répétitive et quotidienne que celle de surfer sur le web pour le milliard d’internautes connectés dans le monde.
Les architectures d’I.P.C. illustrent une forme d’inter-territorialité du cybermonde qui est par essence informe ; les liens hypertextes multiples et l’immensité qui le constitue ne pouvant être figurés que par métaphore (la toile).
Vidée de ses habitants, écartée des rouages de l’économie de marché et de la concurrence, épargnée des religions qui unissent et désunissent l’humanité, éloignée des conflits entre les nations et de leur complexité, apolitique et esthétique, I.P.C. est-elle un modèle de cité idéale ?
L’urbanisme d’I.P.C. repose sur une multitude de tours dont l’organisation rationnelle n’est pas sans rappeler les constructions architecturales de New York. Or, les gratte-ciel et tours qui contribuent à affirmer la puissance des nations et symbolisent leur pouvoir économique, ont inspiré plusieurs oeuvres de l’artiste.
Le modèle de la verticalité et du sublime de ces architectures ainsi que les nombreux voyages de Reynald Drouhin à New York, font partie des univers de référence de l’artiste. Internet Protocol City, oeuvre extensible à l’infini dans le cybermonde, se situe dans un contexte international de globalisation de l’architecture qui privilégie l’expansion et le développement des tours.
Au-delà de son concept d’oeuvre en réseau dans l’a-territorialité du web, de sa croissance continue et de sa propagation par le « net art », I.P.C. nous interroge sur la représentation de la ville.
Si les liens sociaux sont absents d’I.P.C. étant donné le caractère anonyme des internautes qui s’y retrouvent, que devient « l’humain », s’interroge Alain Renk, « au centre de l’architecture des territoires augmentés » ? ». Comment I.P.C.. se situe-t-elle dans ces univers de référence ?
Dans cette même réflexion, la sculpture Cité, maquette réelle de cette ville virtuelle, a été noircie et brûlée par l’artiste et est posée sur un socle transparent; la transparence étant souvent associée aux architectures futuristes qui effacent les frontières entre le dedans et le dehors.
Comme autres oeuvres présentées dans l’exposition, on pourra trouver les deux néons Keyword (traduire « mot clé») et System failure qui renforcent cette démarche d’appropriation par l’artiste des images issues d’ Internet et évoquent la défaillance d’un système informatique qui « freeze » (s’immobilise).
Dans les villes futuristes des univers de science fiction, le politique s’est volatilisé ou plutôt a muté dans le technologique. La menace se loge dans l’inaccessible et l’immatériel au moyen du piratage de données qui est devenu l’arme absolue. Ce néon évoque de façon obsédante cette forme de signalétique alarmiste, comme si le monde et la stabilité sociale ne dépendaient plus que de la gouvernance des machines.
Issu de cette logique de production, le tirage photographique Monochrome(s) R. est le produit d’une recherche par mots clés effectuée sur Google issue de son logiciel Des frags (oeuvre netart de 2000 traitant d’une caractéristique informatique fondamentale : la fragmentation et la défragmentation).
L’interface permet de configurer conjointement la recherche de ces images et de soumettre l’image de référence qui va servir de trame globale. Dans les oeuvres de Reynald Drouhin, le monochrome qui naguère signifiait la « mort de la peinture » fait subsister l’image et la représentation,
représentation, ce qui, une fois de plus, renouvelle la problématique du monochrome.
Est-il oeuvre de l’esprit ou renoncement de l’art et effondrement de celui-ci sur ses propres concepts ?
Vernissage
Jeudi 13 novembre. 16h-22h.