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Georges Thiry, la photographie… et autres petites passions

Portraits d’illustres et d’inconnus, gamins des rues, ruines de l’après-guerre, etc. Tout le talent et la sensibilité de Georges Thiry sont dans ces fragments de mémoire des années cinquante.

— Éditeur(s) : Crisnée, Yellow Now / Charleroi, musée de la Photographie
— Année : 2001
— Format : 17 x 12 cm
— Illustrations : nombreuses, en noir et blanc
— Pages : 240
— Langue(s) : français
— ISBN : 2-87340-154-0
— Prix : 17,53 €

Par André Stas

Prêter l’oreille…

« Je suis ce qui n’a pas d’importance, qui se confond avec l’image en filigrane d’une future vérité dès à présent défigurée », lance Achille. « Je craie donc je crie », rétorque Marcel. « Ni modeste ni fier, j’ai fait ce que je pensais devoir faire », constate René. « Vivre. On est au monde pour vivre, point c’est tout », répond Maurice. « Certes, nous ne sommes pas assez rien du tout », assène Gérard. « Les extravertis ont beaucoup de cosmos dans leur ego. Les introvertis beaucoup d’ego dans leur cosmos. Les premiers s’agitent, les seconds sont agités », tranche Louis.

Georges, définissant son activité photographique, appelait ça ses « promenades artistiques ». Comment parlait-il de sa « manie » ? « Je lui propose de le photographier devant sa bibliothèque. » « Je le photographie dans un jardin triangulaire bordé de murs blancs, où rien ne pousse, sinon un arbre dépourvu de feuilles. » « Je le photographie auprès de la table où se dresse un bouquet de lilas et de muguets. » « Je le photographie assis dans un fauteuil, près d’une fresque représentant de charmants défilés de sirènes. »… « Je pris la photo du peintre »… « Je photographiai l’écrivain »… Parce qu’il ne chôma guère pendant plus de quarante ans, le subtil Rolleiflex de Georges nous légua un capital d’inestimables images, l’âme des moins communs des mortels parmi nous à jamais. Sans doute, Georges pensait-il, à l’instar de Friedrich le romantique, que « les hommes sont peut-être les seuls remèdes propres à guérir des hommes ».

On n’échappe pas aux détails des images de Georges. Rétinien, il a l’œil à tout, à la faune et à la flore, au détail signifiant ou non, au cocasse et au dérisoire. La fraîcheur de son style désarme presque autant que l’étonnante constance de son entreprise. On en vient à être fasciné par des pantoufles, un napperon, un lustre, une chemise, un nain de jardin, un bidet. Une sorte de sur-réalité naît malgré elle de l’excès de réalité même. Voilà bien des « gueules d’atmosphère » ! Voilà bien le théâtre de la cruauté. Sur les « noms » qui constituèrent la meilleure part de notre patrimoine artistique contemporain, on ne colle plus seulement des visages, mais de mystérieuses auras viennent comme nimber ces spécimens remarquables d’humanité crue. Et l’on ne sait exactement d’où sourd l’étrange et douce amertume qui s’empare de vous à la longue. Frêles humains qui avant nous viviez…

Zig et Puce ont bel et bien existé ! Vous les avez sous les yeux. Les marchandes de « caricoles » semblent pressentir l’imminence de la niche, de la catastrophe. L’homme-sandwich de service s’est d’ailleurs figé au garde-à-vous. Hélas, l’agent 15 a trop à faire, il doit épingler un autre garnement en flagrant délit de pêche sans permis… D’autres enfants, la tête en bas, jouent à être le socle du monde : c’est bien simple, ils s’y mettent à trois et le soutiennent à bout de bras ! Dans le même temps, trois adultes le prétendent porter sur leurs épaules… Chantez pinsons, pendant que les canassons tournent ou triment, selon qu’ils soient en bois ou condamnés à mériter leur picotin… Pour faire de beaux crottins. Somptueux boulets que des Jardiniers couraient en ces temps recueillir fumants pour que leurs roses soient comme des choux… Pensant au « problème » de la disparition de tout cela, un Magritte version « vache » (son boule, sa pipe et son chien-chien) regarde ailleurs.

(Publié avec l’aimable autorisation des éditions Yellow Now)

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