Georges Jouve
Georges Jouve
Georges Jouve, le céramiste est né de la guerre. Après de brillantes études à l’Ecole Boulle et à l’Académie Jullian, Jouve devient architecte d’intérieur. Réfugié à Dieulefit sous l’occupation, c’est là que commence, imposé par les vicissitudes de la guerre, le métier qui sera celui de toute sa vie. (…)
Les années 50, largement représentées par la galerie Jousse, sont pour le céramiste une décennie d’intense activité. Les collaborations de Jouve avec les meilleurs ensembliers de l’époque donnent lieu à des rencontres heureuses : pour son ami le décorateur Mathieu Matégot, il signe des oeuvres céramiques qui accompagnent son célèbre mobilier en tôle perforé comme l’illustre la série importante du fameux cendrier « Matégot » en patte d’ours. Au contact de ces univers et de ces courants porteurs de modernité le vocabulaire de Georges Jouve se radicalise. Anthropomorphe, zoomorphe ou abstraite, son oeuvre, valorisée par le bel émail noir, est réinterprétée dans l’épure. Certaines céramiques de la période optent pour des formes libres notamment avec la série des cendriers « bananes », ou encore ces vases sur pied qu’il décline en différentes couleurs.
Dans la production abondante et variée de cette époque, les alliances bicolores et les ponctuations de couleurs vives subsistent dans de grands plats carrés ou rectangulaires, les décors stylisés sont cernés de noir sur des fonds blancs. Jouve peut également s’amuser à revenir vers des valeurs plus figuratives comme cette série de pichets bicolores intitulés «Chouette».
L’année 54 marque une étape décisive dans l’itinéraire de la famille Jouve qui décide de s’installer au Pigonnet dans la campagne d’Aix-en-Provence.
Dans la continuité des années parisiennes, de nouvelles recherches conduisent le céramiste à concevoir toute une série d’appliques murales baptisées «Lyre», «Papillon», «Os», «Toupie». (Suivront des pièces majeures plus austères, plus architecturées qui sont aussi les plus abouties dans l’équilibre des volumes comme en témoignent ces pièces rares intitulés « Bobine » ou « Toupie ». )
Mais cette simplification formelle n’éloigne pas Jouve du répertoire des formes utiles. Ce retour à l’objet usuel et fonctionnel se concrétise de façon sérielle dans les vases cylindres, modèles vendus à la galerie Steph Simon aux côtés d’oeuvres de Charlotte Perriand, Jean Prouvé, Serge Mouille et Isamo Noguchi. Ces formes cylindriques font échos à plusieurs séries de 1955 baptisées «oursins», «galets», «boules», «bouteilles», toutes orientées vers une esthétique japonisante rompant délibérément avec la symétrie afin « d’exprimer dans une forme stable la réalité mouvante et dynamique de la vie ». Ces modèles aux couleurs éclatantes, bien représentés dans l’exposition, annoncent la décennie suivante du plastique.
Prématurément disparu à l’âge de 54 ans, cette exposition permet de redécouvrir en Georges Jouve un inventeur de formes incomparables, un véritable démiurge dont l’oeuvre témoigne d’une réelle modernité.