Présentation
Nicolas Bourriaud, Chantal Pontbriand, Léa Bismuth, Raphaël Brunel, Gallien Dejéan, Théodora Domenech, Marie Frampier, Simone Frangi, Julie Jones, Hélène Meisel, Olivia Speer, Anne-Lou Vicente
Géographies nomades
Dans les souvenirs qu’il a publiés sur Manet, Antonin Proust rapporte que celui-ci avait été frappé par la réponse de Gustave Courbet à un critique qui le complimentait sur une étude de mer: «Cela n’est pas une étude de mer, répondit Courbet, c’est une heure.» Et Manet d’enchaîner: «Voilà ce qu’on ne comprend pas encore assez, c’est que l’on ne fait pas un paysage, une marine, une figure; on fait l’impression d’une heure de la journée dans un paysage, une marine, une figure.» À l’heure où la globalisation économique devient notre paysage mental, où les métaphores marines fleurissent dans des médias pour décrire la «tempête» financière, il n’est pas sans intérêt de revenir sur les propos tenus par l’auteur d’Olympia: c’est le débat récurrent entre le nominalisme et l’Idée.
Et le thème choisi cette année par Chantal Pontbriand pour l’exposition des félicités de l’École nationale supérieure des beaux-arts, les «géographies nomades», s’accorde à merveille à cette réflexion: comment établir la topographie d’un monde dont la globalisation économique a dilué le sens de l’espace et les repères temporels, sinon en en isolant les heures et les lieux? Comment «écrire» spatialement l’Europe, la Chine, la ronde des marchandises, les flux migratoires et capitalistiques? Il semble que la grande tâche politique de l’art d’aujourd’hui, bien au-delà des rituels de la dénonciation, consiste à porter haut la possibilité de donner une figure tangible à maints phénomènes immatériels. Et parmi ceux-ci, à rendre sensibles les innombrables motifs du nomadisme contemporain: déplacements, transferts de données culturelles, mobilité, tourisme, voyages, exils, immigrations… Le grand thème de notre époque, c’est bien le déplacement des limites et des tracés.
Le fait que ces sujets irriguent les travaux des jeunes artistes issus des Beaux-arts de Paris témoigne de la vitalité de l’École, et la qualité de leurs travaux laisse augurer une période très intéressante pour la scène artistique française.
SOMMAIRE
— Préface de Nicolas Bourriaud
— Géographies nomades: une proposition (Chantal Pontbriand)
— Biographies