Jean Claus fait proliférer des figures féminines à peine esquissées, un peu comme La Moderne Olympia (1874) ou L’Éternel féminin (1877) de Cézanne. Il les représente comme des signaux naïfs et maladroits d’un corps plus fantasmé qu’observé. Par contre, là où Cézanne peignait des corps imprimés dans la matière, Claus lui préfère le flottant et l’éthéré. Les saintes, Pomone, Voltarene, Daphnée qu’il peint et croque d’un trait vif ont les jambes fines comme des pinceaux et les bras légers comme un personnage de Canderel. Il joue ainsi d’un renvoi à une imagerie et à une tonalité maniérée, très académique, semblable aux modèles de Nattier, par exemple, tout en leur appliquant un traitement grotesque et ludique hérité de James Ensor ou de l’illustration.
Ses images, de tous formats — ronds, ovales, carrés, rectangulaires —, et de toutes tailles, ressemblent à de la poterie ou de la céramique peinte, mais sont en fait de simples aquarelles vernies. Il fait passer le diaphane de l’eau colorée pour de la glaise chauffée à blanc.
Les personnages malingres sur des bords de rivages ou sur fond d’automnes et de végétation floues et agitées semblent en fait rongés par les cadres : représentent parfois la moitié de la surface totale de l’oeuvre, et bien sûr réalisés et peints par Jean Claus, ceux-ci font partie intégrante de l’œuvre. Réalisés en polyester ou en fibre de verre, les cadres sont boursouflés comme s’ils avaient été réalisés par un héritier passionné de Dubuffet ou Fautrier. Jean Claus imite les dorures et volutes florales, transformées en drapés froissés et contorsionnés, bleus, roses, et de toutes les couleurs. Les cadres sont énormes en comparaison de l’aspect frêles des corps nus des personnages. Le cadre fait décor et fait masse.
Les meubles placés au centre de la galerie apparaissent finalement comme des corps incarnés dans la pâte épaisse des cadres. Des buffets gothiques en bois sculpté semblent tout droit sortis d’un Tim Burton ou du décor de Blanche Neige: comme des ogres, ils protègent les frêles créatures peintes qui les entourent. Mais ils fonctionnent aussi comme support d’images ou comme retables.
Peintre peu connu à Paris, Jean Claus a beaucoup exposé en Alsace et à Strasbourg, en Suisse et en Allemagne. Visuellement proche de Garouste ou de François Boisrond, il reste, à près de 70 ans, très prolixe et vivifié par son univers de mythe réinterprété à son goût.
La cinquantaine de toiles qui courent sur les murs de la galerie, et les masses sombres disposées en son centre, lui donnent un air de carnaval. Si le réseau allemand du galeriste draine plutôt des artistes stylistiquement proches de la frontière suisse (formalistes, secs et colorés), il nous conduit cette fois-ci plus loin dans le passé et les mondes germaniques imaginaires : dans la grotte d’un sorcier des forêts, qui a la tête perdue dans des rêveries de grand siècle français et de mythologies antiques.
Jean Claus
– L’Annonce de Turbulence, 2006. Technique mixte.
– Les Filles de Mars, 2006. Technique mixte.
– Les Pensées, 2006. Technique mixte.
– La Maréchale, 2006. Technique mixte.
– Toussaint, 2006. Technique mixte.
– Le Conseiller aulique Blumenbach, 2006. Technique mixte.
– Le Songe d’Erénée, 2006. Technique mixte.
– L’Adieu au défunt, 2006. Technique mixte.
– Paysage (Grand drapé) , 2006. Technique mixte.
– Myfligé, 2006. Technique mixte.
– Kochersberg, 2006. Technique mixte.
– Ciel d’automne, 2006. Technique mixte.
– Pomone, 2006. Technique mixte.
– Onéades et nuée, 2006. Technique mixte.
– Irone et Cétone (le principe des parfumeurs) , 2006. Technique mixte.
– Ste Agnès Martyre de tous les mots, 2006. Technique mixte.
– Morose, 2006. Technique mixte.
– Celle qui marchait sur la baie, 2006. Technique mixte.
– Campagne, 2006. Technique mixte.
– Annanée répudiée, 2006. Technique mixte.
– La Cueillette de quetches, 2006. Technique mixte.
– Ô Marie, 2006. Technique mixte.
– Voltarene migrante, 2006. Technique mixte.
– La Fugeuse au ciel impavide, 2006. Technique mixte.
– Dicotylèdane et Phanérograme, 2006. Technique mixte.
– Roses dans paysage, 2006. Technique mixte.
– Osmedrose, 2006. Technique mixte.
– Les Eoles, 2006. Technique mixte.
– Le Jour se lève, 2006. Technique mixte.
– Paysage (Petit drapé) , 2006. Technique mixte.
– Une histoire du vent, n.d. Résine polyesther et bois.
– Mémoire d’Hypérion, n.d. Résine polyesther et bois.
– Autel domestique avec plante verte, n.d. Résine polyesther et bois.
– Les Fiancés du Tage, n.d. Résine polyesther et bois.
– Autel domestique à la tache jaune, n.d. Résine polyesther et bois.
– Autel domestique au cheval qui bande (Vaisselier), n.d. Résine polyesther et bois.
– Vitrine : Modello (7 pièces en terre crue) , n.d. Résine polyesther et bois.
– Le Journal d’un Vosges-trotter, n.d. Aquarelles polymérisées.