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Gao Brothers. Photographies, sculptures

PJulia Peker
@12 Jan 2008

Figure majeure de l’avant-garde chinoise, les frères Gao mettent en scène l’isolement entre les individus et le défient, explorant les possibilités esthétiques de la fraternité.

Depuis le milieu des années 80, les frères Gao animent les rangs contestataires de l’avant-garde chinoise. Installés à Pékin, ils transmettent dans leurs travaux photographiques et leurs écrits la vie agitée de la capitale, où se sont jouées les violentes répressions de 1989, où destruction et reconstruction s’enchaînent aujourd’hui à un rythme frénétique. En dépit de la censure, ils pointent leur regard critique sur le dogmatisme politique et l’expansion économique du pays, en photographiant de vastes mises en scène.
Manipulations numériques et installations théâtrales combinent leurs effets pour donner corps à des séries, qui sont autant d’allégories du modernisme chinois.

Leurs photographies se présentent comme d’imposants tableaux scéniques, où les individus sont autant de personnages, se prêtant à des mises en scène qui sont de véritables performances. Les plus célèbres sont la série des Hug, embrassades collectives où s’étreignent fraternellement des inconnus. La première eut lieu en 2000 à Jinan, d’où sont originaires Gao Zhen et Gao Qiang. Pendant une vingtaine de minutes, une centaine de personnes se sont abandonnées à ce geste symbolique de la fraternité, si peu familier aux coutumes chinoises.

Dans 20 People Paid To Hug, la mise en scène est à rebours de toute spontanéité : des personnages nus prennent dans leurs bras des individus habillés. Séparés par l’anonymat, par le vêtement, ces individus sont payés pour se livrer à une étreinte prolongée, perchés sur une table qui évoque la cène. L’intensité inhabituelle du geste suscite une émotion réelle entre ces étrangers, arrachant la fraternité à toute forme de lien privilégié, à tout lien du sang ou des sentiments.

Tout récemment, les frères Gao ont organisé une performance de ce type à la porte de Brandenburg, à Berlin, à la date fatidique du 11 septembre 2007. Au-delà de l’effet de spectacle et de la convivialité suscités par ce type de performance, ils revendiquent l’importance de la participation sociale à leurs compositions artistiques.

Cette série des Hug fait pendant à d’autres orchestrations photographiques, organisées à peu près aux mêmes années, où des individus viennent se nicher à l’étroit dans les petites cases d’une grande boîte, composant ainsi des maisons de poupées vivantes. Séparés les uns des autres par des cloisons, ils sont comme des prisonniers entre leurs murs, promis au silence et à la solitude.

Dans le vaste assemblage de The Forever Unfinished Building, plusieurs scènes indépendantes sont mises bout à bout pour former un puzzle décalé. Sur la plate-forme d’un immeuble en construction, les frères Gao ont demandé à différents personnages de jouer des rôles de la vie urbaine quotidienne. Par le biais de manipulations numériques, ils ajointent entre eux ces morceaux de vie qui se font écho tout en se tournant le dos, les répètent en miroir inversé, créant un ensemble où le regard s’épuise à vouloir insuffler ordre et lien.

Qu’ils s’embrassent ou qu’ils s’isolent, tous ces individus évoluent dans un monde fissuré par la distance. Ils ne s’assemblent que ponctuellement, sous l’effet de mises en scène déstabilisantes, les arrachant aux cloisons et aux frontières.

Gao Brothers
— Miss Mao 3, 2007. Fibre de verre peinte. 58 x 38 x 36cm
— Catching Prostitute, 2007. Bronze peint. 182 x 246 x 187 cm
— TV N°1, 2000. Photo couleur. 150 x 120cm
— The Forever Unfinished Building N°2, 2005. Photo couleur. 120 x 398 cm

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