Cette page a été un peu chahutées en passant de l’ancien au nouveau site, les corrections sont en cours.  
Non classé

Games of desire

PPierre-Évariste Douaire
@08 Oct 2009

La nouvelle vidéo de l’iranienne Shirin Neshat est projetée sur deux écrans se faisant face. Deux groupes de villageois laotiens s’interpellent par des chants. Les hommes commencent et les femmes leur répondent. L’amour sert d’arbitre à cette parade placée sous la lumière de la veillée.

Face à face, des hommes et des femmes. Chacun est relégué dans le coin opposé de la pièce. Assis en tailleurs ils regardent. Chacun va prendre la parole. Individuellement, collectivement cette palabre va devenir une parade amoureuse.

Dans la salle de projection de la galerie ce sont les écrans qui se font face. Le spectateur est invité à s’asseoir sur un banc pendant les vingt minutes que dure le film. La pièce noire est bordée de feutre. La grotte s’ouvre par un rideau épais. L’atmosphère est chaude malgré le ronronnement du ventilateur qui pulse son air frais. Entrer dans ce dispositif augmente l’initiation. Le basculement dans le monde chamanique se réalise par cette première entrée en matière.

Près du sol, calfeutré par l’épaisse moquette sombre, la joute verbale entre les villageois peut commencer. Chacun va prendre la parole et pouvoir déclarer sa flamme à l’élu de son cœur. L’échange se fait par l’intermédiaire du chant. La psalmodie est rythmée par la reprise chorale des dernières strophes. Malgré l’absence d’instruments, les improvisations sont musicales. Ces paysans laotiens sont à l’aise dans le tempo, la mélodie et la déclamation. Un sous-titrage en anglais permet de suivre la conversation et de comprendre les sourires et les regards gênés ou mutins.

Après la fin de chaque couplet, le berger répond à la bergère, et ainsi de suite. La scène se regarde comme un match de tennis. Assis entre les deux groupes on tourne la tête en permanence pour suivre la conversation et tenter de lire les réactions que provoquent les déclamations. Ce pingpong verbal est déclamé par un récitant puis scandé par le groupe. Cette opposition scénique, cette frontalité, joue dans un premier temps la carte de l’affrontement courtois. Chaque participant est comparé à une fleur. Les attentions et les descriptions flatteuses laissent place à des amours impossibles ou passés.

Alors que chacun des participants est pauvre, ridé et édenté, et qu’il n’a que peu de chose à offrir en dote, alors que les années sont passées, les sentiments, eux, continuent à alimenter les souvenirs de ces amours de vingt ans.

Shirin Neshat parvient par cette opposition douce à créer une veillée où il est difficile de démêler la vérité de la fiction, la profondeur de la naïveté, la fausseté de la vérité, le compliment sincère de la séduction factice.

Une très grande quiétude ressort du tableau d’ensemble. Une poésie flottante émane de ces êtres qui dansent avec les mains. Tout semble très naturel. A l’inverse des ballets chorégraphiés, la grâce de ces échanges provient de la qualité des images évoquées par le récitant, et de la dureté de la vie économique et sentimentale qui le frappe. Les sentiments sont aussi vrais que les conditions précaires évoquées.

Aussi beau que les hommes-fleurs d’Indonésie, aussi habiles que les danseurs orientaux, ces visages burinés aux mains calleuses, entraînés par la musique des chants, retrouvent une souplesse dans les gestes et une rare élégance. A voir pour tous les amoureux des sentiments universels.

Shirin Neshat
Games of Desire, 2009. Deux vidéos.
Games of Desire, 2009. Photographies.

AUTRES EVENEMENTS Non classé