Présentation
Anne Martin-Fugier
Galeristes. Entretiens
En 1975, j’ai commencé un doctorat sur les bonnes à Paris à la fin du XIXe siècle et la même année, j’ai poussé la porte de galeries d’art contemporain. Mon existence allait dès lors tourner autour de ces deux pôles: l’histoire culturelle et sociale du XIXe siècle et l’art contemporain.
Dans La Vie d’artiste j’ai pour la première fois rapproché mes deux territoires, en me penchant sur la création du premier musée d’Art contemporain (le Luxembourg, en 1818), la naissance des galeries et le début de la spéculation sur l’art contemporain. Pour ce livre, j’ai lu les Mémoires des marchands de tableaux, Vollard, Kahnweiler ou Berthe Weill, et les témoignages publiés sur eux, de collectionneurs et d’amis.
Et j’ai eu l’envie de témoigner à mon tour sur quelques galeristes parisiens que j’ai beaucoup fréquentés. Mais la première idée de Galeristes remonte au mois de juin 1995, lorsque Lucien et Nicole Durand, qui ont été comme mes parents en matière artistique, ont vendu leur galerie rue Mazarine. Je leur ai proposé de les interviewer afin d’écrire leur aventure de galeristes. J’avais même trouvé un éditeur. Mais, après une première séance sur le début de leur itinéraire, ils ont renoncé: la fin de leur galerie, de trop fraîche date, était difficile à digérer. Nous avons repris nos entretiens quatorze ans plus tard.
Mon parti pris est subjectif et sentimental. Je ne prétends nullement dresser un panorama général de l’art contemporain à Paris, ni tracer une histoire des galeries parisiennes dans le dernier tiers du XXe siècle et le début du xxie, ni faire une typologie des galeristes.
Le Comité professionnel des galeries d’art estime qu’il y a à Paris entre trois cent cinquante et quatre cents galeries (sur un millier que compterait la France), mais il est difficile de préciser combien sont spécialisées en art contemporain puisqu’un guide de Paris censé les répertorier recense aussi bien des galeries d’art moderne.
Et il serait fort difficile d’établir un profil type de galeriste car, justement, c’est leur variété qui est intéressante. On pourrait appliquer aux galeristes ce qu’écrivait des collectionneurs, en 1996, le galeriste Heinz Berggruen: “J’ai beau passer en revue tous les collectionneurs d’art que j’ai pu croiser dans ma vie […] je n’en vois aucun qui soit typique, qui soit le collectionneur par excellence.