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Peut-on encore adapter Giselle en 2008, après la relecture fine, spirituelle, analytique (au sens freudien du terme), définitive, serait-on tenté de dire, qu’en fit le Suédois Mats Ek en 1982 ? Le prénom est ici réduit à la lettre qui désigne aussi le point mythique du plaisir féminin. Suffit-il d’apporter du sang neuf, l’exotisme d’un continent éloigné, du muscle, de la vitesse et aussi, pourquoi le cacher ? De la précipitation pour relooker le personnage spectral, vampirique, maudit, né de l’observation sociologique, pré-benjaminienne, du poète Heinrich Heine et de l’imagination sans bornes de son confrère et ami Théophile Gautier ? Heine était parti de l’image qu’il se faisait de la Parisienne, une femme insouciante fréquentant les salons et pratiquant la danse jusqu’à l’étourdissement — de nos jours, elle suivrait des stages intensifs de yoga, de fitness ou de pilates. Gautier et le librettiste Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges transformèrent cette Parisienne en belle des champs et la naturalisèrent silésienne (sujette du roi de Prusse).

L’idée, fixe, certes, mais au moins il y en a une, de Garry Stewart est de faire de sa chorégraphie un interminable défilé de mode, un tapis roulant à vitesse variable, un fondu enchaîné de petits gestes, d’attitudes, d’actions brèves. Les onze danseurs de la troupe sont, paraît-il, co-auteurs de la pièce mais ils demeurent à ce jour anonymes, leur nom n’étant mentionné ni dans le programme du théâtre ni affiché sur l’écran de diodes faisant office de déco lumineuse qui se contente de donner celui des protagonistes de Giselle et de citer quelques phrases du livret. Sortant des coulisses par le jardin, ils disparaissent de notre vue côté cour et forment une queue leu leu à la Bézu, un cercle finalement pas si vicieux que cela, une longue marche à la Marey plus qu’à la Mao. On découvre les interprètes : des petits, des grands, des brunes, une blonde, une fausse rousse, des minces, des dodues, des vertes et des pas mures. Parlons-en, du vert. Le chorégraphe et ses costumiers Daniel Jaber et Gaelle Mellis ont opté pour cette couleur censée porter la poisse sur les planches, en tout cas en France.

C’est parce que nous aimons l’Australie, pays multikulti plein d’énergie, c’est parce que nous aimons Adelaïde, célèbre pour son festival et ses cent églises (Colombey n’en a que deux), c’est parce que nous aimons les cinéastes, les chorégraphes, les danseurs australiens que nous sommes exigeants. Ce show est un blockbuster, cette Giselle un peu Mad Max sur les bords tombe un peu à plat. Le chorégraphe, comme souvent, s’encombre d’un dispositif et d’une logique de laquelle il ne parvient pas à sortir. Aucun pas de danse qu’on n’ait déjà vu ailleurs, chez les néo-classiques (Béjart ou le Béjart d’aujourd’hui, Preljo), chez les Belges (Vandekeybus), chez les Montréalais (Lock), chez les postmodernes (Brown). Aucune trouvaille visuelle en dehors de ces beaux costumes, de l’écran de sous-titrage électronique barboté à Times Square, du défilé mieux exploité par ailleurs (cf. Busby Berkeley, Chopinot, Goude, Decouflé, etc.). La musique est vaguement « lounge ». On n’est jamais étonné, épaté, pris à contre-pied par le chorégraphe antipodique.

Restent les interprètes, singuliers, excellents dans leur genre. Ils tirent leur épingle de ce jeu dans cette Giselle simplette à l’hystérie convenue.

— Concept et direction artistique : Garry Stewart
— Chorégraphie : Garry Stewart et les danseurs de l’Australian Dance Theatre
— Assistante à la chorégraphie : Larissa McGowan
— Décor : Garry Stewart
— Lumières : Geoff Cobham
— Musique : Luke Smiles
— Costumes : Daniel Jaber et Gaelle Mellis
— Conseillère pour la dramaturgie : Anne Thompson
— Epées : John Coory
 

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