PHOTO | CRITIQUE

Futur… No Futur

PJulia Peker
@12 Jan 2008

L’exposition Futur… No Futur rassemble et confronte deux univers photographiques: les constructions architecturales de José Manuel Ballester, austères et dépeuplées, et les compositions fantasmatiques de Cheyco Leidmann, exubérantes et foisonnantes.

L’exposition Futur… No Futur rassemble et confronte deux univers photographiques: les constructions architecturales de José Manuel Ballester, austères et dépeuplées, et compositions fantasmatiques de Cheyco Leidmann, exubérantes et foisonnantes.
L’un et l’autre ouvrent les portes d’un monde aux marges de notre présent, et déploient leurs visions d’un monde désenchanté.

José Manuel Ballester photographie de vastes espaces vides, hantés par une architecture écrasante et froide. Ces constructions fonctionnelles, une fois soustraites à la présence humaine, deviennent d’absurdes parois sans issue.

Qu’il se concentre sur une allée de piliers souterrains ou sur une coupole de verre, sur l’enroulement d’un escalier en colimaçon ou sur un couloir, Ballester défait les repères de la perception. Ces lieux abandonnés à eux-mêmes, réfractaires à toute échelle, se refusent à l’appropriation.
La taille monumentale des tirages contraste avec le choix fragmentaire du cadrage. Ce décalage confère une autonomie démesurée à des éléments d’architecture coupés de la structure à laquelle ils appartiennent, et qui leur assigne une fonction déterminée.
Une seule photographie fait exception à ce procédé fragmentaire: elle représente une grande salle souterraine, rythmé par de larges piliers sans grâce.
Le regard s’oriente entre des murs froids, mais s’égare à vouloir identifier ce lieu à un espace familier, à comprendre quelle fonctionnalité a bien pu présider à son élaboration.

Deux photographies sont issues d’une série consacrée à la Chine: elles montrent les projections architecturales d’un monde bâti sur les ruines du communisme, et pétri de promesses utopistes.
Les palissades affichent les projets d’architecture les plus ambitieux. Le bouleversement du chantier est recouvert de visions rutilantes, de tours portées par les rêves d’une croissance folle.
Des rouleaux de fils métalliques, hostiles mais bien réels, se découpent cruellement devant ces images d’un avenir utopique.
Les visions d’une mégalopole radieuse sont recouvertes de la poussière des rues, écorchées par un contraste sans pitié avec la réalité.

L’avenir a ici l’éclat terni de promesses auxquelles personne ne croit plus. La taille des tours ne mesure plus que la hauteur de la chute.

Les photographies de Cheyco Leidmann sont aussi foisonnantes et chatoyantes que celles de Ballester sont austères. Les clichés d’une Amérique meurtrie sont mis en scène avec une exubérance violente.
Les corps jouissent et saignent dans le même temps. Le cri du plaisir ouvre une plaie suppurante. Les couleurs saturées empruntent leur tons aux palettes d’un érotisme criard, prêtant leurs feux à toutes sortes de visions apocalyptiques.
Chaque photographie juxtapose les éléments les plus incongrus, sans autre cohérence que l’association onirique.
Les corps plantureux, bâtis dans l’étoffe des fantasmes sexuels, se prolongent dans des moignons informes. Des clochards font irruption dans des compositions pornographiques où la paillette est reine, au profit d’un univers marqué par un même ton sordide.
Impuissant à suivre le fil d’une narration unifiée, le regard circule d’un image à l’autre. Les photographies sont assemblées en des compositions éclatées. On échoue à vouloir synthétiser cet univers fracturé de fragments épars.
L’ensemble explose avec une rare violence, livrant le regard à la vision d’un monde aussi familier que monstrueux.

Futur… No Futur: l’alternative est ouverte, l’enjeu vital.

Cheyco Leidmann
Wamb 69, 2006. Photo couleur sur Epson chrome. 165 x 110 cm.
Wamb 116, 2006. Photo couleur sur Cibachrome. 165 x 110 cm.
Mag14, 2006. Photo couleur sur Epson chrome. 165 x 110 cm.

José Manuel Ballester
Beijing 278, 2005. Photo couleur, tirage papier sur Fuji cristal archive. 120 x 300 cm.
Espacio 9, 2003. Photo couleur, tirage papier sur Fuji cristal archive. 123 x 273 cm.

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