Un nom mystérieux, Nicola L., qui se prononce comme un code secret. Une femme sans âge qui cache ses yeux derrière ses lunettes de soleil. Nicola L est une artiste. Elle a appris son art et conquis sa liberté à l’École des beaux-arts de Paris. Les hasards de sa vie lui ont fait rencontrer Yves Klein, Pierre Restany, Arman… et plus tard, à New-York, dans les couloirs de l’hôtel Chelsea, Andy Warhol et Claes Oldenburg.
En 1969, elle présente à la galerie Daniel Templon la Lampe œil. C’est le premier de ces objets-arts, le début de son Functional Art. Son expression artistique est focalisée sur la question du corps, son corps, qu’elle intègre dans ses pièces ou met en scène par le biais de performances. L’une d’entre elles, Le Cylindre rose, réalisée avec le groupe anglais Soft Machine sur un texte de l’auteur latino-américain Copi, la conduit à New York en 1979. Venue pour 3 mois, elle y demeure 2 ans et se confronte à de nouvelles sensations et à de nouveaux matériaux.
Elle poursuit sa réflexion obsessionnelle sur le corps, dont les différentes parties sont soumises aux caprices de sa création. La peau, d’abord, celle des Pénétrables dans lesquels il est possible d’entrer à 5, voiles qui protègent et qui paralysent à la fois. L’œil ensuite, sorti de son orbite, étrange et angoissant, qui devient une lampe sur pied, The Eye Lamp (1969). Puis la bouche avec The Lips Lamp (1969), le pied, démesurément garni de toile de vinyle pour le canapé Red Foot (1967-1968) et enfin la tête, choisie comme forme pour sa bibliothèque. Militante féministe, elle s’interroge aussi sur la condition de la femme avec La Femme-commode (1969) et La Femme-table (1967-70).
Ces différentes conversations avec le corps prennent une allure de conte fantastique, objets démesurés et inquiétants de l’univers d’Alice au pays des merveilles, corps dépareillés, écartelés comme les poupées de Hans Bellmer ; complexité érotique du sujet qui évoque Georges Bataille. Elle nous offre, comme le dira Pierre Restany en 1968, « un long voyage au bout de la peau ». Nicola L « taille dans la chair vive de nos sens ».
Les œuvres exposées dans la galerie sont prélevées dans le travail de Nicola L depuis les années 60 et représentent ces thèmes. La tête, qu’elle décline dans ses œuvres depuis 1970, une « tête qui fait la tête », se retrouve dans La Tête-bibliothèque rééditée par Cat Berro en 8 exemplaires. La Femme-commode est également rééditée, métamorphosée cette fois en femme–tiroir. Le motif de l’escargot, issu du graphisme automatique, du griffonnage obsessionnel est présent dans des pièces uniques datant de 1996 : Le Buffet-Escargot et La Cage-escargot. Cocon protecteur ou prison ?
L’œuvre la plus récente de l’exposition est La Table-œuf qui date de 2008. Jamais à cours, Nicola nous interroge sur la fragilité de l’œuf, de sa coquille. La table est ovoïde, divisible en deux consoles. L’interstice entre les deux plateaux évoque une scarification…
Nicola L nous invite dans son univers poétique chez Cat Berro et prolonge son évocation chez Pierre-Alain Challier, début mai.
— Nicola L, La Femme-commode, 1969. Sur roulettes. Tiroirs. Bois laqué. 170 x 64 cm. Réédition de 8 exemplaires.
— Nicola L, La Femme-commode, 1970. Sur roulettes. Chêne naturel. 210 x 160 cm. Réédition de 8 exemplaires.
— Nicola L, La Table-oeuf, 2008. Plateau sycomore et plexiglas, oeufs, piétement acier. 100 x 73 cm. Edition de 8 exemplaires.