Alexandre da Cunha
Full Catastrophe
Ses sculptures hybrident matériaux de grande consommation et pratiques artisanales: des transats disposés miment la peinture minimaliste (Deck Painting, 2011), une colonie de chausse-pieds dressés comme des plantes en pots installent un jardin mutant (Field, 2010), des têtes de ventouses accolées jouent le raffinement du design art déco ou de l’objet ethnographique, s’offrant au regard telle une nature morte de Giorgio Morandi (Terracotta Ebony, 2006). Avec une désarmante poésie, Alexandre da Cunha explore la plasticité infinie des objets et réalise une sculpture qui fait «image».
S’il conserve l’intégrité de son matériau source, l’artiste libère avec humour de nouveaux potentiels de signification, esthétiques mais aussi politiques et sociaux. Des serviettes de plage deviennent des drapeaux nationaux ambigus (la série Velour, 2006), d’élégantes tapisseries modernistes se révèlent être un tissage de têtes de balais à franges, objets «prolétaires» par excellence transfigurés pour l’occasion (la série Kentucky, 2011-2012). Derrière ces jeux de déplacement et de feuilletage entre culture savante et culture populaire, se cache l’envie d’en finir avec les lectures trop rapides et les certitudes ethno-centrées: la pratique d’Alexandre da Cunha est certes formaliste, empreinte d’un puissant vocabulaire moderniste et minimal, mais elle est aussi très liée au développement des «cultural studies» dans le sens où elle explore la connotation des représentations – et des émotions – que les objets suscitent selon leur contexte culturel.
Pour sa première exposition en France, l’artiste dévoile un important corpus d’œuvres récentes, ainsi qu’une série de sculptures inédites: Full catastrophe (drums), (2012), un ensemble de trois cuves de bétonnières trouvées en Angleterre. Perçues comme une évocation lointaine des bronzes antiques, la brutalité du matériau d’origine laisse ici place, contre toute attente, à un ensemble d’œuvres empreintes d’une grande élégance. Avec ces merveilles sorties des bas-fonds, Alexandre da Cunha ajoute une pièce maîtresse à sa famille de «modestes monuments» qui disent autrement la modernité.