Fukushima vu par une plasticienne et un photographe
L’exposition «Fukushima : l’invisible révélé», présentée à la Maison européenne de la photographie de Paris, associe les démarches d’une plasticienne, Hélène Lucien, et d’un photographe, Marc Pallain. Les deux artistes croisent leur regard sur la catastrophe de Fukushima survenue en 2011.
Le parcours offre une expérience sensorielle de la vie dans une zone touchée par un accident nucléaire. Par le biais de la photographie, de sculptures ou de vidéos se dévoilent les multiples conséquences d’un tel événements : mémorielles, physiques, quotidiennes mais souvent invisibles.
Montrer l’invisible
Dans la première salle sont présentées les œuvres clefs de ce travail expérimental mené en 2012 par Hélène Lucien et Marc Pallain lors d’une résidence artistique à Tokyo. Ces «chronoradiogrammes» ont été conçus à partir de films radiographiques déposés en divers endroits de la zone contaminée. Les processus de la photographie sont exploités dans leur essence même et appliqués aux rayonnements gamma de la radioactivité présente dans ces lieux. Les images qui en résultent révèlent la radioactivité émise tout en forment des motifs d’une beauté insolite et inquiétante. Elles sont présentées comme des vitraux ouvrant sur une réalité invisible, les paysages intérieurs de la région nucléarisée de Fukushima.
Des photographies prises sur la zone et des vidéos et sculptures réalisées pour la même occasion, sont placées en regard des «chronoradiogrammes». A travers leur dialogue, la première salle explore la représentation de l’invisible. Elle s’inscrit précisément dans le projet d’Hélène Lucien et Marc Pallain dont l’un des buts était de montrer les traces d’une radioactivité considérée comme invisible. Une vaste partie des territoires irradiés, zones naturelles d’une grande beauté, ne porte en effet aucune marque apparente de la catastrophe.
La réalité de la catastrophe de Fukushima
Plusieurs photographies et montages vidéos s’intéressent dans la deuxième salle à la vie quotidienne dans la zone contaminée. Ils éclairent la grande disparité entre le tableau fictionnel dressé par le gouvernement japonais pour inciter les populations à revenir et la réalité. Dans la salle suivante, un dosimètre, appareil permettant de mesurer la radioactivité, est présenté rempli de pierres précieuses. L’instrument prévenant d’un danger mortel devient un objet à posséder, au même titre qu’un accessoire de mode.
En explorant l’esthétisation et la normalisation d’une catastrophe, et en mettant à jour une réalité invisible et silencieuse, l’exposition «Fukushima : l’invisible révélé» pousse chacun à la réflexion, au-delà des frontières japonaises.