Cuba est entré dans une nouvelle ère de son histoire. Beaucoup de ses artistes avaient déjà franchi les frontières, sauf, évidemment, les plus étrangers aux circuits balisés, comme le sont Misleidys Castillo Pedroso et Daldo Marte. La galerie Berst sera totalement investie de leurs oeuvres sous forme d’une installation semblable à la manière dont ils s’en entourent lors de l’exposition Fuerza cubana.
Karen Wong, directrice adjointe du New Museum de New York, évoque au sujet de Misleidys Castillo Pedroso la problématique du genre et la parenté formelle avec l’œuvre de Clemente. Au-delà des intentions de création, cette analyse met en lumière la question de la réception, essentielle pour les Å“uvres d’art brut.
Nous savons peu de choses de Misleidys Castillo Pedroso. Elle est née en 1985 non loin de La Havane, avec un déficit auditif sévère, et son père quitte le foyer alors qu’elle est encore une toute jeune enfant. La petite fille présente un retard dans son développement, sa mère la place à cinq ans dans une institution spécialisée. Son autisme se précise et elle vit alors chez elle, dans un isolement social total. Elle commence un jour à peindre puis découper des silhouettes de bodybuildeurs — parfois plus grands que nature — bientôt rejoints par des faunes, des démons, des organes. Cette peuplade finit par orner toutes les pièces de la maison. Les languettes de scotch brun avec lesquelles ils sont fixés sur les murs leur confèrent une auréole surnaturelle. Son entourage prétend que Misleidys présente d’exceptionnelles capacités de voyance, héritage de sa mère, et qu’il n’est pas rare qu’elle soit surprise en train de converser par geste avec ses Å“uvres. Signe que celles-ci sont détentrices d’un pouvoir qui dépasse la seule fascination qu’elles exercent sur le regardeur.
Daldo Marte, né en 1982 à La Havane, souffre d’une extrême timidité depuis son enfance. On lui a diagnostiqué une légère déficience mentale, et sa mère, enseignante, l’éduque à domicile. Pendant son enfance et son adolescence, Daldo commence à fabriquer ses propres jouets. Il utilise la gomme des chambres à air pour créer des animaux, humanoïdes, vaisseaux spatiaux ou créatures fantastiques, découpés avec une incroyable précision ou composés de plusieurs morceaux assemblés. À partir de cartons et de plastique recyclés, il fabrique également des armures semblables à celles des super héros, qu’il porte dans son quartier. Sa mère explique qu’il se sent plus joyeux dans ses moments là , son armure le protège et il peut affronter le monde sans crainte.