mounir fatmi
Fuck architects : chapter III. Ceux qui peuvent encore rêver ne dorment plus
mounir fatmi travaille dans le monde, éthiquement et esthétiquement… il a définitivement gommé les majuscules de ses nom et prénom en signe de son inscription dans le réel et de son refus des formes d’autorité… ses oeuvres relisent l’histoire que la modernité occidentale a voulu écrire, de Freud au 11 septembre en passant par les Black Panthers, et en redonnent des représentations à la lumière du monde actuel… dans les hôtels des pays arabes, désertés il y a quelques années à cause du terrorisme, il proposait d’inviter des artistes en résidence… il a en projet un remake du film Sleep d’Andy Warhol avec Salman Rushdie comme acteur principal…
D’exposition en exposition, à chaque fois conçues comme des espaces de débat et de réflexion, mounir fatmi affirme son travail comme une démarche critique qui interroge le monde contemporain via la représentation de ses violences et ses paradoxes.
Fuck architects III est le troisième et dernier chapitre d’un travail commencé en 2007 autour de l’architecture, envisagée comme indice d’enjeux esthétiques, politiques, économiques et religieux. Pour mounir fatmi, l’architecture est l’aune à laquelle mesurer la modernité et ses utopies, leur réussite et leur faillite, et elle renvoie autant à la construction qu’à la déconstruction. Elle est matière à écrire et à penser, comme la littérature et la philosophie. A l’heure où les stratégies économiques du postcapitalisme s’inspirent de traités de guerre antiques, mounir fatmi nous invite à regarder les philosophes occidentaux comme les architectes et les chefs d’un chantier abandonné ou en suspens.
mounir fatmi est un artiste nomade, à la croisée des cultures occidentale et orientale, des pensées laïques et religieuses. Ses oeuvres questionnent les formes et les discours de l’autorité, les libertés de parole et de pensée, le débat entre vérité et légitimité. Elles traitent de l’envers des événements (la rencontre de Jean-Paul II et de son assassin Ali Agca), de leur potentiel de représentation (le skyline de Manhattan dans l’après 11 septembre), des stratégies de pouvoir.
Les oeuvres de mounir fatmi sont des jeux de langage mariant le dessin et l’écriture, des métaphores mixant les formes et les images. Contre toute didactique ou pédagogie, elles jouent le rôle d’embrayeurs, au sens linguistique du terme, renvoyant à l’origine des événements dont elles parlent, à leur réalité plus qu’à leur représentation dans les médias, et particulièrement à l’actualisation de cette réalité dans la pensée, au moment où le visiteur les regarde.
Ses expositions sont ainsi des équations visuelles, nées d’un usage souple des médiums contemporains (vidéo, installation, dessin…), associant dans une même représentation des signes culturels multiples et éventuellement opposés. En forme de réseau, elles croisent divers domaines du savoir, des sciences à la philosophie, des techniques à la politique.
Quelque chose s’y dessine qui questionne les façons de représenter le monde dans lequel nous vivons, qui engage directement le jugement critique et la notion de point de vue, la position de celui qui regarde. Par glissements visuels entre les oeuvres se construit alors un espace singulier et inattendu.
Le visiteur sort de la logique d’un espace hiérarchisé et délimité. Proche et lointain, ici et ailleurs, dedans et dehors ne s’opposent plus. Même le rapport au temps est perturbé : à la logique de la succession linéaire des faits ou de la mise à distance de l’histoire vient s’ajouter une logique de l’interrelation, de la rétroaction, de l’émergence et de la complexité.
Ainsi, plus que le monde lui-même, c’est le regardeur de ses oeuvres que mounir fatmi prend à parti, en l’interrogeant sur la nature et l’origine de son propre savoir sur le monde. Chaque exposition de mounir fatmi est une tentative de bousculer la passivité critique induite par la globalisation médiatique. Chez lui, l’art ne donne pas de réponse, il met à distance, il problématise, en deçà des propagandes et des surdéterminations. L’exposition est comme une suite d’obstacles, invitant le visiteur à risquer sa conscience.