Thomas Hauert, Angels Margarit
From B to B
Thomas Hauert est suisse et vit à Bruxelles. Àngels Margarit est espagnole et vit à Barcelone. Le premier a enchaîné depuis une dizaine d’années une multitude de pièces aux côtés de nombreux interprètes, les deux dernières présentant chacune une importante équipe de danseurs. La seconde, après avoir connu les scènes internationales et participé au mouvement de la danse minimaliste des années 80, s’est installée en Espagne, désireuse de se recentrer.
Il y a quelques années, ils se sont rencontrés lors d’un festival et ont découvert qu’ils partageaient beaucoup de préoccupations communes. «Tous les deux, avec notre parcours, nous avons confiance dans le corps, dans l’intuition, dans l’inconscient. Cela a beaucoup à voir avec la mémoire et les expériences antérieures qui nous ont conditionnés et enrichis. Ça conditionne évidemment ce qu’on danse. Et ça pose la question de comment on communique, comment on partage cette richesse de notre passé», raconte Thomas Hauert. D’où l’idée d’un duo, d’une rencontre, d’un face à face qui les engage à égalité.
Comme le dit Àngels Margarit: «Avec From B to B, on essaye d’arriver à destination, et cette destination est l’endroit de l’autre. Nous tentons d’habiter de nouveau dans un espace que l’autre connait déjà , pour arriver à ce qu’il était avant».
Dans cette pièce, ils essaient donc de se «mettre dans la peau de l’autre». Une posture extrême, avec laquelle ils composent. Comme le souligne Thomas Hauert: «Devenir l’autre ce serait radical et démesuré, mais ce qui est visé c’est de comprendre son univers, sa façon de fonctionner, de bouger, de marcher. Je viens de lire un livre sur les mémoires miroirs. Être dans la peau de l’autre est une base pour la compassion».
Ils se lancent ainsi dans un voyage dans la mémoire de l’autre: que peut-on partager, se réapproprier, revisiter? Que se passe-t-il quand on repasse dans les pas, dans les figures de l’autre tel qu’il les énonce aujourd’hui? Rarement le même mouvement, plus sûrement un esprit, une recherche, quelque chose à sans cesse remettre en jeu. Car la quête du même, de l’identique, est évidemment vaine: «On essaie d’habiter la mémoire de l’autre, ou au moins quelques endroits de cette mémoire. Mais le même endroit n’est jamais le même pour l’autre, ni pour personne. Chacun est isolé dans sa personnalité, son passé, son corps.», précise Thomas Hauert. Sans compter la déperdition liée à la communication, au langage. Àngels Margarit le souligne: «Parfois on parle de choses pas évidentes à traduire. Il y a de la subjectivité dans la façon de nommer. Et cet effort du mot pour nommer la chose est aussi très intéressant».
Il y a donc de la perte, du malentendu, de l’écart dans cette remise en jeu. Mais ceux-ci font partie du parcours et de la rencontre et From B to B aurait pu s’appeler Lost in translation. Car ce qui compte, justement, est le jeu de miroirs et d’échanges ainsi créé et dans lequel le spectateur est invité à entrer à son tour.