ART | CRITIQUE

Free style

PEmmanuel Posnic
@13 Mai 2009

Avec Free Style, Dan Perjovschi signe sa deuxième exposition personnelle chez Michel Rein après celle organisée en 2006. Trois ans plus tard, si le monde n’a pas cessé de tourner, l’artiste n’a pas non plus cessé de le suivre.

Et d’en écouter les moindres pulsations. Dan Perjovschi est un observateur éclairé de l’actualité politique, économique, social et culturelle en ce sens que chacun de ses dessins propose une lecture plus ou moins resserrée sur un fait du moment.
Le champ est vaste: la religion, l’écologie, la construction de l’Union européenne, l’Obamania, le capitalisme malade, le monde de l’art contemporain forment ainsi quelques îlots récurrents dans sa géopolitique personnelle.

Partant de ces étendards, le dessin de presse n’est jamais très loin. D’ailleurs l’énergie du trait, sa simplicité, son immédiate efficacité visuelle baigné dans une satire sans équivoque des réalités contemporaines, tout cela rend opérante la proximité des deux univers.
Si Dan Perjovschi alimente ces passerelles, c’est peut-être parce que lui-même participe activement et depuis longtemps à l’émancipation de la vie intellectuelle chez lui en Roumanie et plus précisément à la presse d’opposition. La tentation européenne, l’opulence des pays occidentaux et l’appétence des autres pour y parvenir, les dérives d’un capitalisme âgé d’à peine vingt ans, le combat des artistes pour juste exister: les tensions qu’il décrit en quelques coups de crayons ne surgissent pas de nulle part.

La force de Dan Perjovschi est d’avoir transposé ses doutes et son rire dans l’univers de l’art contemporain, pas toujours prompt à recevoir l’actualité du monde sans l’essorage d’un traitement archivistique. Car s’il dessine généralement ses idées sur des carnets, il les concrétise réellement sur les murs des galeries qui l’invitent.
En l’occurrence ici, les murs de la galerie Michel Rein que le Roumain a entièrement recouverts de croquis au feutre noir. Sans aménager de temps mort, ni même d’interruption entre chaque réalisation. Un étourdissement pour le regardeur/lecteur, une surinformation indexée finalement à celle que l’on nous verse quotidiennement.

Dan Perjovschi joue la profusion, les messages instantanés face à d’autres plus complexes et plus fouillés: les vingt ans des Blacks Panthers que l’artiste fête en montrant un athlète brandissant une bouteille de Coca Zéro en lieu et place du poing levé; un Sarkozy éructant un «Moi I can!» dans le dos des journalistes venus interroger un Obama plus humble prônant un «Yes they can» lorsqu’il désigne ses alliés internationaux; un simple dessin liant dans la même farandole infernale un homme brandissant une pancarte de manifestant et son exact miroir, un businessman portant un attaché-case; ou bien encore le «Fuck» jeté à la face de deux immenses éoliennes par un espèce de Don Quichotte d’arrière-garde monté sur son cheval et armé d’une lance; ou pour finir un peu plus loin une coupable assertion de l’artiste: «REVOLUTI ON  OFF». Une manière d’afficher son scepticisme et l’esprit de son humour vachard qu’il envoie à la face du monde autant qu’à la sienne.

Car si les utopies ont la dent dure, tout comme l’«agir local penser global» que pratique Perjovschi, l’entrée dans le XXIe siècle a aussi largement assombri les espoirs.
«I am not exotic / I am exhausted», écrit-il sur les murs à portée des regards.

Dan Perjovschi
— Mainstream / Alternative, 2009. Dessin au feutre, dimensions variables.
— Vue de l’exposition «Mainstream / Alternative», 2009.

AUTRES EVENEMENTS ART